Dans l’histoire de la Guerre de Succession de Bretagne, le Combat des Trente tient une place bien particulière. Ce combat opposant trente partisans de Charles de Blois à trente partisans de Jean de Montfort ne réglera pas le conflit mais offrira aux chroniqueurs, l’occasion de magnifier l’éthique chevaleresque.
Le 30 avril 1341, le duc de Bretagne Jean III meurt sans héritiers. Son demi-frère, Jean de Montfort époux de Jeanne de Flandre, et sa nièce, Jeanne de Penthièvre, épouse du neveu de Philippe VI de France, Charles de Blois, revendiquent le trône ducal. Le conflit qui en découle, simple guerre d’escarmouches, dura pourtant jusqu’en 1364. Il faut dire qu’à cette période, le roi de France, seule autorité qui aurait vraisemblablement permis de résoudre le conflit rapidement, est empêtré dans la Guerre de Cent Ans, débutée en 1336, et subit de plein fouet la pandémie de peste noire.
Par ailleurs, à la querelle de succession se greffent des enjeux géopolitiques de plus grande ampleur : Charles de Blois obtient le soutien du pouvoir royal français et Jean de Montfort celui des Anglais. La Bretagne, idéalement située entre l’Aquitaine et la Normandie alors anglaises, devient ainsi un nouveau théâtre d’affrontement où évoluent les troupes anglaises. En 1351, la ville de Ploërmel est sous la coupe d’un capitaine montfortiste d’origine anglaise ou germanique : un certain Richard Brambroch ou Richard de Brandenburg, parfois aussi appelé Brembo (le nom varie selon les chroniqueurs). Sa garnison était composée de Bretons, d’Anglais et de quelques Allemands qui, d’après le chroniqueur Jean Froissart, mettaient le pays environnant au pillage malgré une trêve convenue entre les deux partis. Le capitaine de Josselin, Robert de Beaumanoir, féal du parti de Penthièvre, vint, à la mi-mars 1351, alpaguer son adversaire sous les murs de Ploërmel.
Comme un tournoi
Les deux personnages n’ayant pas les moyens, ni vraisemblablement l’envie, d’une bataille rangée décident de faire combattre trente champions de la garnison de Josselin contre trente de Ploërmel, le 27 mars. Le rendez-vous est fixé au « chêne de la Mi-Voie », entre Josselin et Ploërmel. On s’accorde sur un combat « à volonté », c’est-à-dire où chacun est libre de combattre avec l’équipement qu’il souhaite. L’assaut prend alors plus les formes d’un tournoi à outrance, permettant à des nobles impétueux et en garnison d’exprimer leur belligérance, que d’un véritable acte de guerre. L’historien Jean Favier avait ainsi l’habitude de dire : « Le Combat des Trente, c’est la guerre qui tourne à la fête ». Une fête sanglante, exaltée. Après plusieurs heures de combat, on décide d’une courte trêve, mais les assauts reprennent bientôt. Brandenbourg est finalement tué par Alain de Keranrais et Geoffroy du Bois et les montfortistes sont mis en déroute. Les historiens situent le nombre de morts entre 15 et 26 personnes, dont une majorité de Montfortistes.
Le Combat des Trente est le reflet de cette guerre d’escarmouches et de coups de main que menèrent Montfortistes et Penthièvre pendant plus de 20 ans et cet épisode eût sans doute été relégué à l’arrière-plan de l’Histoire si quelques chroniqueurs contemporains des faits comme Jean Le Bel ou Jean Froissart n’en avaient fait un combat illustrant les valeurs et l’éthique chevaleresques qu’eux-mêmes défendaient. Le retentissement de la péripétie de ces quelques dizaines de combattants est ainsi autant lié à leurs faits d’armes qu’à la mise en récit par les auteurs de l’époque qui a permis de faire passer les actes à la postérité. Ne dit-on pas que la plume est plus forte que l’épée ?
Quelques combattants bretons
Jean III, seigneur de Beaumanoir en Evran, de Merdrignac et de Moncontour était fils de Jean II de Beaumanoir et de Marie de Dinan. Il était proche de Charles de Blois qui le nomma Maréchal de Bretagne et lieutenant général de son armée. Capitaine de Josselin en 1351, il fut blessé lors du Combat des Trente. Il demeura fidèle au parti de Penthièvre pendant toute la Guerre de Succession. Selon la tradition orale, sa tombe se voit encore au prieuré de Léhon près de Dinan. Après Tiphaine de Chemillé, il épousa en secondes noces Marguerite de Rohan, elle-même ensuite remariée à Olivier IV de Clisson.
Guy de Rochefort, seigneur du Henleix (Saint-Nazaire), était issu d’une puissante famille du Vannetais. Son frère aîné Thibault III de Rochefort, seigneur d’Assérac, fut tué à Auray en 1364. L’une des descendantes de Guy de Rochefort fut Guyonne de Rochefort, dame du Henleix et épouse de Jean de Rohan, seigneur du Gué-de-l’Isle.
Robin III Raguenel fut le père de la célèbre Tiphaine Raguenel, première femme de Bertrand du Guesclin, et de Guillaume Raguenel, tué à la bataille d’Auray en 1364. À la fin du XVe siècle, la famille Raguenel se rapprocha des puissantes familles de Malestroit et de Rieux.
Jean de Sérent était seigneur de Tromeur en Sérent. Sa participation avérée au Combat des Trente valut un prestige lignager dont les généalogistes du XVIIIe siècle se faisaient encore l’écho.
Pour aller plus loin :
Jean FAVIER, La Guerre de Cent Ans. Paris, Fayard, 1980.
Yvonig GICQUEL, Le Combat des Trente, épopée au cœur de la mémoire bretonne. Spézet, Coop Breizh, 2004.
Frédéric MORVAN, La Chevalerie au temps de Du Guesclin (1341-1381). Vannes, Centre d’Histoire de Bretagne, 2016.
Victorien Leman, Historien généalogiste
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Membre de la chambre des généalogistes professionnels.