Notre ami de ce joli printemps est une sorte de roi, le seigneur incontesté des rongeurs arboricoles de nos bois et forêts. À l’instar du roi Henri, il nous invite à rallier son joli panache. Le sien n’est pas blanc mais, le plus souvent, roux. Et ça lui va sacrément bien.
Le corbeau a la réputation (justifiée) d’être particulièrement finaud. Rappeler qu’il a suffi au renard de quelques vers rappés au débotté pour s’emparer de son goûteux fromage donne la mesure de la finesse d’esprit du rouquin. De sa rouerie, aussi.
C’est Jean de La Source… Quoi, hein ? Ah oui, pardon… C’est donc Jean de La Fontaine (on confond souvent, mais faut dire que les deux patronymes ça veut dire pareil) qui a trouvé le truc pour faire le buzz et faire du renard une star. Et t’as vu, ça rime. En plus, il avait le flow (1), Jean de La Flotte. Oui, on sait, Jean de La Fontaine… Mais flow… Flotte ça rappe mieux, t’as vu ! Alors, on dira que c’était son nom de scène, son pseudo de rappeur. Celui qui vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Oh ça va, on sait que c’est le « flatteur » qui profite en vrai, dans la fable, du fromage tombé du bec aussi largement que bêtement ouvert… mais « rappeur », ça ressemble et puis ça flatte aussi, des fois, les rappeurs. Et le fromage rapé, c’est bon, non ? Même avec un seul « p ». Surtout, la mise en musique, ça nous arrange bien pour continuer à tirer le fil. On l’aime bien Jean de La Flotte, en rappeur.
Bon, tout ça c’est bien beau. On digresse, on digresse… Mais faudrait peut-être pas non plus oublier le renard. C’est lui, normalement, la vedette de la page. Alors donc, si l’on en juge par sa réputation, le bestiau aussi malin que rouquin (souvent) est sacrément doué pour rouler son monde, pour profiter de sa naïveté. T’as vu, on n’a pas dit profiter de sa connerie. Comme Jean de L’eau Qui Coule, on a des lettres (un tout petit peu) et on est polis.
Pour revenir à lui, sa répute, au renard, elle ne date pas de l’invention du Net. Il n’a pas attendu la Toile pour se la péter, le rouquin, pour faire le buzz.
Moquer le bourgeois
Dès l’Antiquité, il a commencé. Nombre d’écrivains, et pas des moindres, puisque même Esope était de la partie, utilisaient déjà, sa malice pour raconter des histoires se moquant, discrètement, sans en avoir l’air, des bourgeois de l’époque.
La tradition s’est ensuite gentiment perpétuée, toujours en appelant goupil, le rusé animal aussi roux que roué. Et c’est au Moyen-Âge qu’il a pris pour de bon le joli nom encore associé aujourd’hui à la ruse… Oui, c’est au héros du roman de Renart, aux multiples auteurs, que le renard, celui qui aime (entre autres) le fromage et courir nos bois et campagnes doit son nom. Jusqu’alors, jusqu’au Moyen Âge, on l’appelait goupil. Pareil que l’animal héros du roman nommé Renart. C’est donc par « éponymie » (donner son nom à quelque chose) que le héros goupil Renart a muté en renard. En changeant son « t » final en « d » et en perdant sa majuscule, le symbole de la ruse a cessé d’être le goupil. Le désormais dénommé renard lui a tout piqué : sa ruse et son nom !
Quand on disait que pour rouler un corbeau, pour lui chourer son maroilles ou son niolo à l’odeur prononcée selon qu’il coure les plaines du nord ou le maquis corse… pour rouler les corbeaux du nord ou ceux du sud, faut pas avoir les quatre pattes dans le même sabot. C’est sans doute pour ça que le renard, ex-goupil, en est dépourvu. Les coussinets, c’est plus pratique pour prendre ses pattes à son coup quand le coup de Jarnac foire.
Parce que, faut pas croire, aussi roux et roué qu’il soit, le renard maîtrise tous les courages. Y compris celui de la fuite.
(1). L’internaute, le dictionnaire français explique bien : « Le flow, en langage musical, désigne le rythme soit de la musique en elle-même, soit des paroles… Le flow est un élément important de la cadence de débit des chanteurs de hip-hop ou de rap. »