« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », déplorait Jacques Chirac, au début des années 2000. Depuis, la lutte contre le réchauffement climatique est devenue un enjeu majeur. Dans le Centre Bretagne, cette nécessaire transition énergétique pourrait constituer un élément majeur de développement du territoire.

« Le 12 décembre 2015 restera une grande date pour la planète. » En tapant sur le pupitre avec son petit marteau vert, Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, clôt la COP 21 avec un enthousiasme très largement partagé par l’assemblée. Réunis à Paris, les représentants de près de 200 états, viennent en effet d’adopter un accord pour lutter contre le réchauffement climatique. Ambitieux, cet accord universel vise à maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2° et à mener des efforts encore plus poussés pour limiter l’augmentation de la température à 1,5° au-dessus des niveaux pré-industriels et une neutralité carbone à l’horizon 2050!

Cinq ans plus tard, le constat pourrait sembler amer. L’année qui vient de s’écouler devrait se classer parmi les trois années les plus chaudes jamais constatées, avec 2016 et 2019. La décennie 2011-2020 sera la plus chaude jamais observée et les six années écoulées depuis 2015 ont toutes atteint des records, indique l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Quelque peu éclipsée par la crise sanitaire, la question climatique revient néanmoins au coeur de nombreuses politiques publiques engagées à l’échelon international, national et local. C’est le cas de l’Union européenne qui, en adoptant un pacte vert ou « green deal » en décembre dernier, s’est engagé à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Une Breizh Cop

C’est aussi le cas à l’échelle nationale avec la mise en place d’un convention citoyenne pour le climat, en 2019. Regroupant 150 citoyens tirés au sort parmi la population française, elle a présenté 150 propositions pour répondre à l’urgence climatique. Si le débat se crispe quelque peu aujourd’hui, elles devraient toutefois servir de base au futur projet de loi Climat. C’est enfin le cas de la région Bretagne qui a décidé de décliner la Cop21, en lançant sur le même modèle, la Breizh Cop. L’objectif est ici d’anticiper et d’accélérer durablement les transitions nécessaires dans un esprit de solidarité. Comme d’autres, les collectivités du Centre Bretagne affichent clairement une volonté de s’engager pour développer une politique d’aménagement et de développement durable. Qu’il s’agisse de l’éolien (page 6), du photovoltaïque (page 7), de la méthanisation (page 8), ou encore de la filière bois (page 10)… les réalisations sont déjà exemplaires et les projets, aussi nombreux qu’ambitieux.

Parcs éoliens,  des vents pas toujours porteurs

Déjà très présents, les parcs éoliens pourraient encore se développer dans le Centre Bretagne. Une expansion diversement appréciée sur le territoire où certaines communes estiment être déjà à saturation

« Le Vent s’impose » ; « Vent debout » ; « Plum’au vent » ; « Vent de discorde »… Poétique ou plus guerrier, les noms de ces associations ne laissent guère planer le doute sur les intentions de leurs promoteurs. De Plumieux à Séglien comme de Kergrist à Merdrignac, elles ont toutes un point commun : leur opposition à la construction d’un parc éolien dans leur commune.

Et pourtant, en moins de deux décennies, les éoliennes sont presque devenues indissociables des paysages du Centre Bretagne. Aujourd’hui, on en compte ainsi une soixantaine sur le territoire de Pontivy Communauté et près d’une centaine sur celui de Loudéac Communauté.

De fait, l’éolien terrestre est aujourd’hui la première source d’électricité de la région Bretagne. En 2017, la puissance éolienne installée était de 944 MW, soit 47 % de la production électrique totale. Bien loin toutefois des prospectives avancées par l’État et la Région qui s’engageaient dans le Pacte électrique breton, à atteindre un objectif de 1 400 MW d’éolien terrestre en 2015 et 1 800 MW au moins, en 2020 !

Associer la population aux projets

Le compte n’y est toujours pas, mais la majorité des élus comme des citoyens, apparaît convaincu de l’impérieuse nécessité de s’engager dans le développement des énergies renouvelables. Si la volonté est partagée, le constat dressé par la Conférence bretonne de la transition énergétique, en 2018, pourrait néanmoins doucher les enthousiasmes. « À défaut d’orientations précises régionales et locales en matière de planification éolienne, les parcs se sont naturellement développés dans les zones les moins contraintes, ayant pour conséquence une concentration de l’éolien sur un axe centre-Bretagne, expliquent les auteurs. Le développement au fil de l’eau atteint aujourd’hui ses limites puisque la quasi-totalité du potentiel des zones les plus faciles d’accès est désormais mobilisé. » Reste que, dans les Côtes d’Armor comme dans le Morbihan, de nombreux projets de parcs éoliens sont néanmoins à l’étude. Il est vrai que pour les finances locales, l’enjeu n’est pas anodin. La fiscalité éolienne est partagée par les collectivités : communauté de communes (50 %), département (30 %) et commune (20 %). 1 MW éolien engendre environ 10 000 € de fiscalité. Pour autant, si jusqu’à présent les sites de production éolienne ont très largement été initiés par des développeurs privés, collectivités et citoyens affichent aujourd’hui la volonté d’y être plus étroitement associés. « Dans ce domaine les communes sont souveraines et nous avons toujours fait le choix d’accompagner leurs décisions », assure Michel Ulmer, vice-président de Loudéac Communauté, chargé du développement durable et de la transition énergétique. Une vision très largement partagée par Véronique Delmouly, vice-présidente à l’environnement et à la transition énergétique de Pontivy communauté. « Pas question de s’ingérer dans les affaires communales, insiste-t-elle. Nous sommes là pour les conseiller, les assister et les accompagner. » Mais tous deux sont intimement convaincus que « les projets seront d’autant mieux acceptés par les habitants s’ils y sont associés ». Les opérateurs privés, l’ont d’ailleurs bien compris. Aujourd’hui, ils proposent de plus en plus aux habitants, d’investir dans les projets qu’ils souhaitent développer. Simple choix stratégique ou véritable volonté d’intégrer cette énergie verte sur le territoire… difficile de dire aujourd’hui si l’éolien participatif sera la solution susceptible de concilier les objectifs environnementaux et ceux, plus quotidiens, des citoyens.

Energie Solaire, Le Photovoltaïque en pleine lumière

Pratiquement tuée dans l’oeuf, il y a dix ans, la filière photovoltaïque semble revenir en pleine lumière. Plus que le rapport financier, c’est désormais une volonté de gestion environnementale qui est à l’origine des projets. Et en Centre Bretagne, ils sont nombreux et d’envergure.

Juillet 2019. En ce lundi d’été, c’est le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, qui inaugure la centrale photovoltaïque de Baud. Il est vrai que l’équipement vaut bien un déplacement en province ! Avec ses quelques 14 600 panneaux photovoltaïques installés sur sept hectares, la centrale de Quinipily, est alors la plus importante de Bretagne. Mise en service quelques mois plus tôt, elle va permettre d’assurer la consommation annuelle en énergie de 4 400 habitants.

Nommé à la tête du ministère de la Transition écologique, au mois de juillet dernier, Barbara Pompili imitera-t-elle son prédécesseur, cette année ? Imaginé depuis déjà de nombreuses années, le projet de ferme photovoltaïque installé sur d’anciennes sablières, situées à cheval sur les communes de Radenac et Pleugriffet, va enfin prendre corps. Car là aussi, l’équipement vaudra assurément le déplacement. Avec plus de 40 000 panneaux, installés sur un site d’une vingtaine d’hectares, l’équipement permettra d’assurer en électricité, les besoins annuel d’une population de 9 000 habitants. Une fois mis en service, il deviendra, à son tour, le plus important de Bretagne. Il semble bien loin, le moratoire de la fin de l’année 2010, qui avait, selon les acteurs du photovoltaïque, « plongé la filière en coma artificiel ». À l’époque, pour lancer une filière encore embryonnaire, le gouvernement avait mis en place des tarifs d’achat de l’électricité élevés. Mais face à l’envolée du nombre de projets, il avait finalement fait machine arrière, pour, affirmait- il alors, « mettre fin à la création d’une véritable bulle spéculative ».

Lentement, la filière est sortie de l’ombre pour reprendre la lumière. Une technologie plus mature, une baisse du prix des matériels et une hausse de coût de l’énergie, expliquent en partie cette renaissance. Mais elle doit aussi et surtout son nouveau développement aux objectifs de transition écologique. « Nous ne sommes plus dans une logique de placement et de rendement, comme il y a dix ans, assure un spécialiste. Aujourd’hui, pour les collectivités, il s’agit d’un mode de gestion environnementale. » Une volonté réelle encore accentuée par la possibilité légale, depuis 2017, de consommer sa propre production électrique.

Des panneaux solaires au centre hospitalier

C’est en tous cas, celle affichée par Pontivy Communauté. La collectivité vient en effet de décider d’élaborer un cadastre solaire. « Cela permettra d’identifier les bâtiments pouvant accueillir des panneaux photovoltaïques, explique Véronique Delmouly, vice-présidente à l’environnement et à la transition énergétique. Mais également de renseigner les communes, comme les particuliers. » En attendant, les élus communautaires viennent de voter la création d’une Société à Actions Simplifiées (SAS), en partenariat avec le syndicat Morbihan Énergie, pour l’exploitation d’une centrale photovoltaïque au centre hospitalier du Centre Bretagne, à Noyal-Pontivy. 2 200 panneaux seront ainsi installés en ombrières sur le parking du personnel et permettront d’assurer près de 15 % de la consommation annuelle de l’établissement hospitalier. Une première porteuse d’avenir et qui devrait en appeler d’autres.

Méthanisation, ça gaze en Centre Bretagne

Portés par les collectivités ou les exploitants agricoles, les projets d’usines de méthanisation se multiplient en Centre Bretagne. Terre d’élevage et d’industries agroalimentaires, le territoire entend valoriser les ressources organiques issues de ses différentes activités.

Il y a une dizaine d’années, le Mené faisait figure de pionnier. Inaugurée en 2011 à Saint-Gilles-du-Mené, l’usine Géotexia avait en effet été l’une des premières unités de méthanisation à fonctionner en France. Dans ce territoire à dominante agricole, l’équipement visait notamment à apporter une réponse au traitement des lisiers. Ç’a été le cas pendant des années, avant que l’usine ne soit victime d’un incendie au mois de juillet 2019. Stoppée depuis cette date, elle pourrait néanmoins reprendre son activité à la fin de l’année.

Le coût important des investissements nécessaires pour développer la méthanisation, mais également les inquiétudes des opposants qui redoutent les risques d’explosion, les odeurs nauséabondes ou encore l’accroissement de trafic de camions… ont freiné le développement de cette technologie biologique et naturelle, basée sur la dégradation de la matière organique en l’absence d’oxygène. Sous l’effet de la chaleur, les bactéries transforment la matière organique en méthane, appelé biogaz, et en un résidu, appelé digestat. Le premier peut être utilisé comme combustible pour la production d’électricité et de chaleur, comme carburant, ou être injecté dans le réseau de gaz naturel. Le second, riche en matière organique peut être utilisé comme amendement pour les sols.

Depuis quelques années pourtant, la méthanisation suscite un intérêt grandissant de la part des collectivités comme des agriculteurs. C’est notamment le cas du côté de Locminé. À travers une société d’économie mixte baptisée Liger (Locminé innovation et gestion des énergies renouvelables), collectivités et industriels ont souhaité engager une mutation du territoire vers une économie verte. Mis en service en 2016, le méthaniseur apparaît comme un maillon essentiel de cette volonté. Chaque année, l’équipement traite 60 000 tonnes de déchets organiques issus du territoire (agro-industries, exploitations agricoles, collectivités), dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres.

Se chauffer ou rouler

Même intérêt dans le secteur de Loudéac où le projet est porté par une Société par Actions Simplifiées (SAS), regroupant l’entreprise Fonroche, spécialisée dans les énergies renouvelables (65 %) et Loudéac Communauté (35 %). Mis en service en septembre 2019, le site de méthanisation Biodéac transformera chaque année 90 000 tonnes de déchets organiques (effluents d’exploitations agricoles, déchets des industries agroalimentaires, boues de la station d’épuration). Le biogaz produit, correspondant à la consommation annuelle d’une ville de 15 000 habitants, sera intégralement réinjecté dans le réseau de gaz naturel.

Contesté pendant plusieurs années par une association d’opposants, le projet de Noyal-Pontivy a finalement été validé. La station de rebours, qui comprime le gaz pour lui permettre de passer du réseau de distribution au réseau de transport est déjà en fonction. L’usine de méthanisation le sera d’ici quelques mois.

Enfin, du côté des agriculteurs aussi, les projets se multiplient. Il y a dix ans, Jean-Marc Onno, agriculteur à Moustoir-Remungol, était l’un des premiers éleveurs de Bretagne à produire du biogaz à partir de lisier et de matière. Aujourd’hui, de plus en plus d’exploitants agricoles du Centre Bretagne font eux-aussi le choix de la méthanisation.

 

Chaudière collective, Loudéac se chauffe au bois

Développée depuis plusieurs années, la filière bois représentait, avant la récente injection de gaz par le méthaniseur Biodéac, plus de 40 % de la production d’énergies renouvelables de Loudéac Communauté. Alimentée essentiellement par les déchèteries, une chaufferie collective à bois assure, depuis 2014, les besoins quotidiens en chauffage et eau chaude sanitaire, de 27 sites de la ville de Loudéac.

« Pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on peut trouver chez nous ? » L’argument paraît imparable. Mais au-delà du discours, les élus de Loudéac communauté ont choisi de le mettre en pratique, dès 2014. « À Loudéac, les chaudières à gaz de plusieurs équipements publics arrivaient en fin de vie et plutôt que de les remplacer, la communauté de communes et ses futurs abonnés ont fait le choix d’une chaufferie collective à bois », explique Michel Ulmer, vice-président de Loudéac Communauté, chargé du développement durable et de la transition énergétique.

Inauguré il y a maintenant plus de six ans, l’équipement est composé de deux chaudières : l’une d’une puissance de 2,2 MWH/th, l’autre de 1 MWH/th. Si les deux sont utilisées pendant l’hiver, seule la plus petite est mise en service l’été. Elles fonctionnent comme un chauffage central. L’eau est chauffée à 110° pour alimenter un réseau de chaleur contrôlé par une supervision centralisée. De l’ancien hôpital à la piscine, en passant par le palais des congrès, différents établissements scolaires ou encore la Maison familiale rurale, 27 établissements de la ville de Loudéac sont chauffés quotidiennement par ce dispositif. Un système qui nécessite tout de même plus de 9 km de tuyaux souterrains, pour relier la chaufferie aux différents équipements.

Valorisation des déchets

Afin d’alimenter la bête en combustible, les élus n’ont pas eu à aller chercher bien loin. Pour valoriser les déchets produits localement, quoi de mieux que les déchèteries ! Chaque année, les chaudières brûlent ainsi plus de 9 000 m3 de bois. Une partie provient des dépôts des particuliers : tailles de haies, branches et autres déchets venus des jardins. Le reste est composé de souches ou de palettes déposées principalement par les agriculteurs et les entreprises. « Dans le cadre de notre boucle énergétique locale, nous alimentons donc la chaufferie en circuit court (bois récupéré) pour plus de 70 % des besoins des deux chaudières », précise l’élu.

S’il permet de valoriser les déchets et de proposer une énergie renouvelable, le dispositif est également économiquement rentable. Outre un coût de distribution maîtrisé, il permet également à la collectivité d’économiser des coûts de broyage et d’évacuation de plusieurs milliers de tonnes déposées en déchèterie. Une énergie verte au meilleur coût ! Un pari assurément gagnant.