D’une superficie totale de 2 600 hectares, la forêt de Loudéac appartient pour moitié à l’Office national des forêts (ONF) et pour l’autre moitié à des propriétaires privés. Véritable poumon vert du Centre Bretagne, la forêt domaniale sait aussi faire fructifier les richesses que sont le bois et le gibier.
Il faisait anormalement chaud ce 15 octobre 1987. Les services de Météo France avaient vu arriver sur leurs cartes-satellites la queue du cyclone tropical Floyd. Ils avaient annoncé la tempête à venir, mais pas sa violence. Des vents de 220 km/h se sont déchaînés pendant toute une nuit sur la Bretagne. Au petit matin, 630 000 Bretons sont sans électricité ; 1 785 km de lignes électriques sont au sol. Plus de 50 000 hectares de forêt sont détruits. Au total, 6,5 millions de m3 (soit plus de 12 fois le volume des coupes annuelles !) de bois vrillé, cassé, éclaté, impropre à la vente, sont à terre. La forêt de Loudéac est bien évidemment touchée.
«La tempête de 87 a certes été une catastrophe, mais elle a également été une véritable bénédiction ! Tout était abîmé, à reconstruire. On s’y est attaqué en tenant compte des erreurs du passé et en innovant, commente Gilles Dauvergne, qui occupait alors le poste de garde forestier. Autrefois, on voulait domestiquer la nature. Aujourd’hui, la nature nous impose sa vérité, nous cherchons simplement à l’apprivoiser. Les plantations se font toujours en ligne pour des raisons de facilité d’exploitation, mais nous ne faisons plus de plantation à essence unique ; et nous privilégions toujours les espèces «sauvages», c’est-à-dire les arbres qui se sont plantés tout seul. Du coup, nous arrivons à retrouver un sous-bois qui n’est plus en ligne et qui est très varié ! Ce qui compte, ce ne sont pas tant les essences, que la façon de les planter et de les gérer. »
Si les caprices de la météo ont contribué à façonner la forêt de Loudéac, l’activité humaine, au fil du temps, y a également laissé sa trace. Dès le Moyen-Age, elle connaît ainsi une activité importante. On y trouve alors des bûcherons, des scieurs, des menuisiers-charpentiers, des charbonniers, des sabotiers, des mineurs qui en extraient le minerai de fer et des forgerons qui le traitent dans des fourneaux. Mais l’activité est plutôt risquée puisque tous ces professionnels doivent vraisemblablement composer avec le loup. Plusieurs noms de villages (Gratteloup – Le Loup Pendu – Le Bout es Loup – La Motte aux Loups…), attestent en effet de sa présence.
Au XVe siècle, la forêt devient propriété des ducs de Rohan. Ils y chassent le gros gibier et y élèvent des chevaux sauvages. Elle devient ensuite la propriété des houillères de Lorraine. C’est à cette société que l’État achète une partie de la forêt, au début des années 60. Si elle s’étend au total sur 2 600 ha et trois communes (Loudéac, La Motte, La Prenessaye), la forêt domaniale ne couvre que la moitié de cette superficie. L’autre moitié se partage en effet entre des propriéaires privés.
Depuis maintenant sept ans, c’est Joël Le Bourvellec, technicien forestier à l’office national des forêts (ONF), qui assure la gestion et l’exploitation de la forête domaniale. L’une de ses missions essentielles consiste évidemment à gérer les coupes et les replantations. « Des études nous permettent d’estimer la croissance de la forêt, explique-t-il. En moyenne, le volume de bois augmente de cinq à six m3, par hectare et par an. En appliquant la formule à l’ensemble de la forêt, on mesure que nous devons chaque année couper 6 500 m3 de bois, soit environ 15 ha. »
Bûcherons professionnels et amateurs
Pour l’essentiel, ce travail est effectué par des professionnels, durant l’automne et l’hiver. Le contenu de certaines parcelles, essentiellement pour du petit bois, est vendu aux enchères comme bois sur pied. Et pour valoriser encore davantage le produit, l’office sous-traite le débardage et la coupe à des sociétés privées tout en assurant lui même la vente des tas de bois que l’on aperçoit régulièrement en bordure de la route. À côté de ces professionnels, les particuliers peuvent également venir y faire leur bois. Chaque année une soixantaine de bûcherons amateurs se voient ainsi attribuer un lot qui leur permet de débiter chacun entre 20 et 30 stères de bois de chauffage.
Les coupes effectuées, il faut immédiatement penser à replanter. Pendant longtemps, les forestiers on pratiqué une plantation par espèce objective : l’espèce la mieux adaptée au sol, à l’hygrométrie… pour un lieu donné. Si elle est idéale sur le plan de la rentabilité, ce type de «plantation pure» pose également de très nombreux problèmes. Elle peut en effet favoriser le développement rapide des parasites. Dans la forêt de Loudéac, c’est d’ailleurs le cas pour l’épicéa de Sitka. Plus de 300 ha de cette essence sont en effet victimes de l’attaque d’un insecte, le dencrochtone qui, en se nourrissant de la sève de l’arbre, entraîne sa mort.
Si aujourd’hui les coupes sont à 80 % axées sur les résineux, c’est majoritairement avec des feuillus que sont replantés les espaces déboisés. Entre les chênes, les hêtres, les châtaigniers, les bouleaux, les trembles ou encore les merisiers… on dénombre une dizaine d’essences différentes. Ainsi, depuis la fin des années 80, les feuillus représentent plus de 50 % des surfaces totales replantées, contre 15 % lors des deux décennies précédentes. Une diversité des essences qui se double également d’une volonté de stratification naturelle.
Mieux étager les arbres en hauteur permet un meilleur développement de chaque essence et le développement d’une faune beaucoup plus riche.
Et la population de gros gibier est en effet abondante en forêt de Loudéac. Mais il convient toutefois de la maîtriser. « Il faut trouver un juste équilibre entre la forêt et le gibier, explique Joël Le Bourvellec. Les chevreuils et les cerfs sont très friands des bourgeons. S’ils sont trop nombreux, cela peut entraver la croissance de la forêt. »
Pour réguler cette population de grands animaux, des comptages sont effectués chaque année au mois de mars. C’est à partir de ceux-ci, mais également des observations au quotidien sur le terrain, qu’un plan de chasse est défini. En 2014, 30 chevreuils, cinq faons et biches et une demi-douzaine de sangliers ont été inscrits au tableau des chasseurs à tir. S’agissant de la chasse à courre, le quota était fixé à six cerfs…
Une forêt à champignons
Chaque année, de la mi-août à la mi-novembre, la forêt de Loudéac se transforme en un terrain de jeu très prisé des cueilleurs de champignons. Les amateurs de ceps, girolles et autres pieds de mouton s’y pressent d’ailleurs en nombre. Pendant une période, l’ONF a souhaité encadrer cette cueillette avec la mise en place de cartes nominatives. Ce n’est aujourd’hui plus le cas. « Nous tolérons une cueillette pour la consommation familiale » précise le garde forestier. Mais comme pour la pêche à pied, les contrôles qui sont parfois effectués, n’empêchent pas les abus.