Glouton et grande gueule. Trois petis mots en G qui esquissent un portrait non dénué de pertinence de notre ami le goéland. De nos amis, plus exactement, car trois espèces peuplent nos côtes et, de plus en plus, nos campagnes. Et ça gueule, et ça mange ! Les trois tout pareil.

Jonathan est tellement chez lui chez nous, Ici et Là, qu’il y remplace la grenouille de la météo. Pour connaître le temps à venir, laissez tomber l’application de votre téléphone intelligent. Observez plutôt, non pas deux papillons comme nous y invitait Pierre Desproges, mais un laridé, nom de la famille ne notre glouton volant : « Quand le goéland se gratte le gland, signe de mauvais temps… S’il se gratte le cul, fera pas beau non plus. » L’adage ne fonctionnerait qu’avec un oiseau bien de chez nous.

Sinon, beaucoup peinent, dit-on, à distinguer les goélands des mouettes… Et, à leur décharge (qu’ils surkiffent), ils partagent bien un lien de parenté. Tous sont des laridés, mais pas pour autant mari et femme. On les reconnaît à leur taille, leur couleur et leur cri. Les mouettes sont nettement plus petites (d’un tiers environ), les goélands ont toujours le bec jaune et les mouettes les pattes rouges. La mouette semble ricaner en se foutant de vous et le goéland vous interpeller d’un couaaeec plus grave, plus rauque. Il gueule, quoi. Fort et souvent.

Les spécialistes assurent que Yannick (Jonathan, c’est pas trop de chez nous) vocaliserait surtout de mars à juin. À la saison des amours et celle de l’accompagnement des petits à quitter le nid. Il gueulerait pour les encourager. Mais si l’on en juge par les nombreux témoignages recueillis Ici et Là, les petiots doivent être nombreux à décoller avec retard. « Parce que moi, les gouêls que j’ai au dessus de mes fenêtres, il me pourrissent la vie toute l’année », maintient cet ex-ami du bafreur-gueuleur.

L’âme des marins disparus…

On dit « du », on devrait écrire « des », car ils sont trois : l’argenté, le brun et le marin. L’argenté (entre 55 et 60 cm et 1,20 m à 1,50 m d’envergure comme le brun) a le dos gris clair. Le dos du brun est presque noir et celui du marin très noir. Les pattes de l’argenté et du marin sont rose et celles du brun jouent la carte du jaune. Tout comme le bec des trois compères : jaune avec une tache rouge sur la mandibule inférieure.

Et les mandibules de Yannick (le prénom lui sied), elles ne font pas semblant de bosser. Quand il mange, il bafre de tout et jusqu’à plus faim. Il ne s’interrompt que pour gueuler. Il gueule et il mange… et lycée de Versailles. Quand y’en n’a plus, il en réclame encore, Yannick. Il suit les bateaux de pêche, adore les décharges, ne déteste pas chaparder un en-cas aux passants ou aux clients attablés en terrasse.  Comme le pigeon, Yannick vole mais il choure, aussi. Avec parfois un vrai brin d’agressivité.

À l’origine cantonné sur les côtes, Yannick s’est découvert, au fil de l’urbanisation, une âme de paysan. Il goûte vraiment la campagne. Au temps des labours, il suit les tracteurs leveurs de délicieux vers de terre avec le même plaisir et le même appétit que les chalutiers.

Il est tellement de chez nous, Yannick, qu’une légende celte raconte que le goéland argenté représente l’âme des capitaines et marins disparus en mer. « Si l’un d’eux se pose sur la proue de votre bateau, ne le chassez pas. Sinon, le mauvais sort s’abattra sur vous ou votre embarcation. » On connaît pourtant un tas de pêcheurs, professionnels ou plaisanciers, et bien de chez nous eux aussi, qui n’hésitent pas à évacuer Yannick quand il se fait trop grande gueule. Presque toujours, quoi.