Chapelle de Locmeltro
Avant la fin du XIXe siècle, Guern était une paroisse particulièrement étendue, allant des portes de Locmalo en Pays Pourleth, jusqu’à la rive droite du Blavet. À l’extrémité ouest de ce vaste territoire fut construite la chapelle Saint-Meldéoc, au coeur d’un grand village : Locmeltro.
Projetons-nous une centaine d’années en arrière, et au-delà, lorsque les déplacements sans voiture induisaient beaucoup de marche à pied ou de temps passé à dos de cheval. Pour les croyants habitant les périphéries des paroisses, se rendre à l’église du bourg relevait d’une organisation relativement complexe. Pour répondre au besoin en dévotion des populations, un réseau de plus d’une centaine de chapelles a progressivement couvert le Pays des Rohan. Certaines d’entre elles sont des lieux de culte de proximité, d’une belle simplicité, nécessaires pour des temps de prière quotidiens. D’autres comme la chapelle Saint-Meldéoc sont des chapelles dites « Tréviales », dans lesquelles les sacrements pouvaient être dispensés, faisant d’elles de véritables relais locaux de l’église paroissiale.
Cette fonction particulière justifie l’ampleur du lieu de culte. Rares sont les chapelles entourées d’un enclos, dont les entrées sont entravées par une pierre à enjamber, communément appelée « échalier ». Le muret délimite l’espace sacré autour du lieu de culte et protégeait le cimetière de la divagation des animaux. De ce dernier aujourd’hui désaffecté, il ne reste que quelques pierres tombales au sol et la présence d’un ossuaire : petit espace ajouré mais couvert, accolé à l’extrémité nord-ouest de la chapelle. Le calvaire composite, dont le fût date du milieu du XVIIIe siècle et la croix du XIXe siècle, est pour les chrétiens un symbole fort du lien entre les vivants et les morts, assuré par l’Église. Au sein de l’enclos, de grandes pierres levées sont visibles à proximité des vestiges du cimetière. Elles n’ont pourtant pas de lien direct avec la chapelle. Ces bornes milliaires jalonnaient les voies romaines. Elles ont été importées dans l’enclos à posteriori et leur part de mystère est renforcée par le surnom que les habitants leur ont donné : « testeu » traduction bretonne de « témoin ». L’une d’elle à l’entrée ouest de l’édifice sert aujourd’hui de bénitier.
La chapelle tient donc une place conséquente dans la vie du village et des villageois. Édifiée à partir du XVIe siècle, le choeur et le transept furent reconstruits en 1866. Plus récemment dans les années 1970, grâce à l’attachement des habitants et à l’association Breiz Santel, la chapelle qui menaçait ruine a fait l’objet d’une restauration complète. Elle conserve aujourd’hui un ensemble de statues, représentant des saints dont le rôle était central dans la vie quotidienne en milieu rural. Ainsi Saint Jean- Baptiste, dont la sculpture est visible contre l’angle nord-est de la nef, est représenté avec son attribut traditionnel, l’agneau, symbole du sacrifice du Christ. Cependant il présente la particularité d’avoir un cochon à ses pieds, accentuant ainsi son rôle de berger. Par ailleurs Saint-Sébastien, contre l’angle sud-ouest du choeur, était une statue dans laquelle il était courant de venir planter une flèche, à l’endroit où l’on souffrait soi-même, d’un mal que l’on souhaitait guérir. Il était courant d’affirmer que l’on venait en béquille au pardon de Locmeltro, le 2e dimanche de juillet, et l’on repartait sans.
Claire Tartamella
Animatrice de l’architecture et du patrimoine
Pays d’art et d’histoire des Rohan
Le mell beniguet
Dans le transept de la chapelle de Locmeltro est exposé un boulet de granit d’environ 20 cm de diamètre. Malgré les apparences, l’objet n’a rien de militaire. Jusqu’au XIXe siècle, il était utilisé pour abréger les souffrances des malades incurables, mais la méthode d’utilisation d’un tel objet reste énigmatique. Sa présence au sein d’une chapelle tréviale, où était administré le sacrement de l’onction des malades, aussi appelé extrême onction, est cohérente. Cela justifie également la présence d’un catafalque à côté du mell beniguet, sur lequel les cercueils étaient exposés. Restauré en 2014, il est l’un des rares catafalques conservés en Morbihan.