Depuis tout petit, il se met régulièrement en boule, il pique, il bave et il grogne, mais on l’aime bien quand même. Surtout quand on a un jardin. Le hérisson, c’est le grand pote du potager. Ah oui, c’est une grosse feignasse aussi. Quand il ne dort pas, il hiberne.

« Mais pourquoi tu te mets en boule, j’ai rien dit ?»… Pas la peine de jouer l’étonné avec le hérisson. C’est plus fort que lui. Il est comme ça depuis tout petit. Dès son onzième jour, il est capable de s’enrouler sur lui-même. Grâce à un muscle puissant situé sous ses piquants, il enferme sa tête, ses pattes et sa queue dans un bourrelet de peau. Comme nous quand il pleut, il tire le lacet d’une sorte de capuche protectrice.

Quand il fait ça, le hérisson n’a rien contre vous. Il n’est pas vénère. Il apprend juste à se protéger de ses futurs prédateurs. Enfin, pas de tous. Contre le plus dangereux, sa technique de la capuche hérissée reste vaine. Les pneus des voitures qui l’écrasent quand il traverse la route sont insensibles à ses milliers de piquants, même dressés.

Contre le poison, les piquants du gentil petit mammifère sont tout aussi inefficaces. Il succombe ainsi souvent après avoir ingurgité quelques uns des insectes contaminés par les granulés que le jardinier amateur a répandu pour protéger ses plantations. Et c’est profondément injuste ! Le hérisson est en effet le meilleur ami du jardinier. Il se régale des insectes et autres limaces ou escargots que le légumiste s’échine à chasser avec de très mauvaises armes. Le potageur aurait tout intérêt à abandonner le poison et adopter deux ou trois hérissons.

D’autant que le baffreur de limaces n’est pas compliqué à loger :
un igloo en feuilles mortes suffit à son bonheur. Avec lui, pas question non plus de regroupement familial. Il ne vit pas en couple. Mâle et femelle ne se dragouillent qu’au printemps, en soirée, dans des sortes de clubs de rencontre comme la pelouse d’un parc ou celle d’une clairière.

L’as de trèfle qui pique ton cœur

Une fois conquise, demoiselle hérisson étire ses pattes postérieures et couche les piquants de son dos pour faciliter la tâche de son séducteur. Toujours très bruyante, l’étreinte peut durer plusieurs minutes. Les adieux, par contre, sont brefs. Sitôt l’affaire conclue, le mâle repart dragouiller et la femelle retourne chez elle.

Bruyant dans l’étreinte, le hérisson est par ailleurs un grand baveur. Sans que l’on sache vraiment pourquoi (se débasser de ses parasites ?
Masquer son odeur à ses prédateurs ? Communiquer avec ses congénères ?), il enduit régulièrement ses piquants de bave qu’il régurgite après avoir mâchouillé ses trouvailles les plus crades :
crottes de chien, herbe fraîchement coupée, vieilles godasses, mégots… Bref, il chique et se glaviote salement sur le corps.

À se demander comment il parvient à séduire, sauf à conclure qu’il ne conclut qu’à force d’obstination. Il y met tant d’ardeur et y consacre tant de temps au printemps, que certaines finissent par céder. Ce qui explique que, dès l’été venu, notre Casanova stakhanoviste s’accorde un repos mérité en passant les trois quarts de son temps à dormir.

Notre ami urticant ne bosse donc vraiment qu’en automne : pour faire du lard et aménager son confortable logis d’hiver, spécialement conçu pour lutter contre le froid et l’humidité. Il chasse plus intensément pour fabriquer la réserve de graisse indispensable à son hibernation.

Quand les jours raccourcissent et que la température voisine les 16°, le hérisson se met en boule et entre dans un demi sommeil. Sous les 13°, il s’endort profondément. Hormis quelques pauses pipi, il ne rouvrira l’œil qu’au printemps. Une feignasse, on vous dit ! Mais tellement sympa que, tel l’as le trèfle, il nous pique aussi le cœur.