14 et 15 mars 1793. Après une première émeute à Pluméliau, près de 3 000 insurgés convergent vers Pontivy. L’assaut est finalement repoussé par les républicains mais les combats vont faire plus d’une centaine de morts. La chouannerie est née en Centre Bretagne.
La fin de l’année 1792 marque un tournant dans la Révolution française, en particulier en Centre Bretagne. Après la tentative de fuite de Louis XVI, rattrapé à Varennes, la monarchie constitutionnelle est abolie et remplacée par la Première République le 21 septembre 1792. Louis XVI est exécuté le 21 janvier 1793. Ces évènements ne semblent pourtant pas avoir suscité de manifestation particulière en Bretagne. Il faut attendre le début du mois de mars pour voir apparaître les premières agitations contre-révolutionnaires. Celles-ci sont, en réalité, liées à plusieurs facteurs. Sur le plan fiscal, la Révolution supprime les privilèges des nobles mais aussi des territoires, ce qui est fortement désavantageux pour la Bretagne qui, depuis le Traité d’Union avec la France de 1532, payait moins d’impôt que le reste du royaume de France. Sur le plan religieux, les autorités révolutionnaires avaient promulgué, en 1790, la Constitution Civile du Clergé, qui contraignait les prêtres à prêter serment de fidélité à l’État, les soustrayant ainsi à l’autorité papale. Cette Constitution Civile du Clergé a été assez mal accueillie en Bretagne et d’une manière générale, le clergé breton refusa massivement de prêter serment (les prêtres sont alors dits « réfractaires »).
L’évènement qui met cependant le feu aux poudres est en réalité un facteur d’ordre militaire. En effet, avec l’arrestation de Louis XVI, puis son exécution, les relations diplomatiques avec les autres monarchies européennes (qui avaient souvent des liens de parenté avec le Roi de France) deviennent de plus en plus complexes. En février 1793, quelques semaines après l’exécution du monarque déchu, la majeure partie de l’Europe est entrée en guerre contre la jeune République Française. La Convention Nationale, qui fait alors office d’autorité gouvernante, décide une « levée en masse » de 300 000 citoyens pour défendre la Patrie.
En Bretagne, le district de Pontivy est l’un des plus concernés. Il doit en effet fournir 403 hommes. Outre une forte hostilité de la population à l’obligation militaire, le choix par tirage au sort et la possibilité offerte aux plus aisés de payer un remplaçant déplaisent fortement et l’on commence à voir apparaître quelques agitateurs. À partir de la mi-mars, les deux tiers du Morbihan se soulèvent, en même temps qu’une partie de la Vendée.
De Pluméliau à Pontivy
En Centre Bretagne, la première émeute, qui rassemble près de 3 000 insurgés, a lieu à Pluméliau. Les commissaires chargés du recrutement et leur escorte de gendarmes et de gardes nationaux sont tués. Symboliquement, les listes de recrutement sont brûlées aux yeux de tous. Le tocsin avertit alors les campagnes alentour des récents évènements pendant toute la nuit du 14 au 15 mars 1793. Des paroissiens venus de Bieuzy, Melrand, Guern, Malguénac, Cléguérec… s’assemblent devant Pontivy. Des négociations sont entamées avec les autorités du district pour prendre pacifiquement la ville et abandonner le recrutement. Mais celles-ci échouent et l’assaut débute en début d’après-midi. Malgré une avancée des émeutiers dans les premiers temps du combat, ceux-ci sont cependant repoussés par les défenseurs de la ville puis définitivement dispersés en fin d’après-midi par des renforts républicains venus de Loudéac. Côté républicain, les combats de Pluméliau et de Pontivy semblent avoir fait moins d’une trentaine de morts et une vingtaine de blessés. Parmi les émeutiers, les pertes, difficilement quantifiables, peuvent cependant s’estimer à plus de cent. Les autorités du district firent également 53 prisonniers. Parmi ceux-ci 12 sont guillotinés à Pontivy les 29 et 30 mars 1793, en guise d’exemple.
De nombreux émeutiers, tel que Jean Jan (né à Baud en 1772 et mort à Melrand en 1798), échappent aux procès et sont contraints de se cacher dans la campagne qui se transforme parfois en véritable maquis abritant jusqu’à plusieurs dizaines d’hommes : la chouannerie bretonne, qui tire son nom du chat-huant dont les chouans imitaient le cri en guise de signe de reconnaissance, est née.
Pour aller plus loin
• Jean GUILLOT, Révolution et chouannerie en Morbihan, Gourin, Éditions des Montagnes Noires, 2014.
• Jean TULARD, Jean-François FAYARD et Alfred FIERRO, Histoire et dictionnaire de la Révolution Française, 1789-1799, Paris, Robert Laffont, 1998.
• Chouannerie(s) en Morbihan, Vannes, Archives départementales du Morbihan, 2015.
Jan Jan, un chouan baldivien
Né en 1772 à Baud, il fait partie des émeutiers qui se soulèvent contre la Constitution Civile du Clergé à Vannes en février 1791. L’émeute de Pontivy le 15 mars 1793 est son premier vrai fait d’arme. Traqué, il se cache dans les environs de Baud et participe à l’organisation de l’Armée Catholique et Royale de Bretagne, dont il devient colonel puis commandant de la 8e Division Morbihannaise après s’être distingué aux côtés de Georges Cadoudal lors de l’échec du débarquement de Quiberon. Arrêté et emprisonné à Saint-Malo en 1796, il s’échappe en 1797 et trouve la mort le 24 juin 1798 dans un combat qui l’oppose à une colonne républicaine à Melrand.
Article rédigé par Victorien Leman, Historien généalogiste
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Membre de la chambre des généalogistes professionnels.