Y’en a des qui manquent pas d’air. À tous les sens du terme. Comme ceux qui sont allés jusqu’à choisir un air d’opéra pour chanter un super gros mensonge : la pie ne serait rien qu’une grosse voleuse. Et ben, c’est même pas vrai.
« Méfie-toi, ne laisse pas traîner tes boucles d’oreille sur la table. J’ai vu une pie tout à l’heure et les pies, ça pique tout ce qui brille. » Il faut les chercher, tant ils sont rares, ceux qui n’ont pas entendu une mise en garde du même tonneau. Notamment en cette saison, propice aux barbeuks sous le parasol.
On s’empresse donc de rassurer les amateurs de merguez, chipos, ribs ou autre côte de bœuf cuisinés au bon vieux barbecue à charbon de bois. Les boucles d’oreille de Simone ou la chevalière de Fernand négligemment posées sur la table d’apéro ont beaucoup plus à craindre de leur habitude à les laisser traîner un peu partout que de l’instinct de voleuse attribué à la pie.
L’étude menée par des psychologues du Centre de recherche en comportement animal de l’université d’Exeter a en effet totalement blanchi le joli volatile. Enfin, c’est une image. En vrai, notre bel oiseau conserve son joli plumage blanc et noir et sa superbe queue bleu métallique.
L’étude ne trouve non plus rien à redire sur son cri, « chack-chack-chak », très sonore et nasillard. La pie est effectivement bavarde. Même lorsquelle casse une petite croûte sur le dos du bétail qu’elle débarrasse de ses tiques. Une sorte d’en-cas entre deux véritables repas au menu desquels figurent toutes sortes d’insectes qu’elle cherche sur le sol. En dessert, elle s’offre volontiers quelques graines de connifères.
Comme le chimpanzé et l’éléphant…
Comme nous, les chercheurs d’Exeter ont souri en la voyant signaler son excitation de manière rigolote en sautillant de côté après avoir marché à grand pas sur le sol. Ils confirment que la pie aime les bosquet, les zones ouvertes, légèrement boisées, les prairies et nos parcs et jardins.
Mais ils sont aussi formels : la pie n’est pas voleuse ! Gioachino Rossini (la musique) et Giovanni Gherardini (le livret), auteur du célèbre opéra « La gazza ladra » (« La pie voleuse », en français) sont deux beaux gros menteurs. Et le fait que leur célèbre composition ait souvent été repris par la publicité au point d’en faire un air connu de tous, ne change en rien sa véritable nature. « La pie voleuse » n’est rien d’autre que le célèbre « Grand air de la calomnie ». Avec une majuscule !
La pie est en effet bien trop fûtée pour accorder un quelconque intérêt à des objets brillants. Les paillettes et les strass, c’est pas son truc. Non seulement elle n’est pas attirée, mais elle se fait systématiquement méfiante devant un nouvel objet. Brillant ou pas, elle garde toujours une distance de sécurité. Comme la guêpe,
« pas folle, la pie ».
Beaucoup s’accordent même à la ranger parmi les corvidés, les plus intelligents. Elle est ainsi capable de stratégie de groupe face à un danger, un chat, par exemple. Comme le chimpanzé, le dauphin ou l’éléphant, elle a conscience de soi et se reconnaît dans un miroir. Elle peut aussi faire preuve d’empathie, c’est à dire être sensible aux sentiments et émotions des autres. Ce qui explique peut-être que, comme le fiancé enamouré invitant sa chère et tendre à l’étoilé du coin, le mâle offre naturellement de la nourriture à sa chérie pendant la période nuptiale.
Nettement plus douée et polyvalente que le fiancé, la pie est aussi météorologue. Sûre d’elle, elle affiche, tous les ans ses prévisions dans les arbres : « En février, signe de beau quand les pies bâtissent haut. Si elle bâtit bas, du mauvais temps tu verras ».
Ainsi donc, pour savoir si l’été sera chaud, levez la tête et cherchez son nid. C’est cadeau. Elle ne vole rien, la pie, elle donne.