La filière éolienne en Centre Bretagne

Initiée il y a un peu plus de 20 ans, la production d’énergie éolienne connaît un nouveau développement dans le Centre Bretagne. Déjà doté d’un parc conséquent, le territoire voit fleurir de nouveaux, et nombreux, projets. Si la nécessité d’adopter de nouveaux schémas énergétiques est largement partagée, certains entendent s’opposer à la multiplication des éoliennes sur le territoire.

Grâce à la vitesse et à la constance du vent, la Bretagne dispose du deuxième gisement de vent en France. Pour autant, le parc éolien breton se positionne aujourd’hui à la cinquième place des régions françaises après les Hauts-de-France, le Grand Est, l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine. La région avait pourtant fait figure de pionnière dans le développement de l’exploitation à terre de cette énergie renouvelable. Après le boom des années 2000, la création de nouveaux parcs éoliens s’est tassée depuis 2010. En 2020, 76 % des aérogénérateurs avaient plus de 10 ans. Un renouvellement du parc a commencé sur certains sites, contribuant à augmenter la puissance installée. Aujourd’hui, avec une centaine de parcs et plus de 600 éoliennes, la Bretagne assure aujourd’hui 20 % de sa production d’énergie. Les sites de production éoliens se répartissent sur l’ensemble de la région puisque les deux-tiers des communautés de communes en Bretagne disposent de parcs éoliens terrestres. Mais il existe de fortes disparités territoriales : le Morbihan et les Côtes-d’Armor représentent chacun un tiers de la puissance éolienne raccordée. Des disparités encore plus accentuées entre la côte et l’intérieur. C’est notamment le cas en Centre Bretagne qui affiche une forte densité de mâts.

Un sujet qui divise

Sur le territoire de Pontivy Communauté, l’éolien apparaît comme la première source de production d’énergies renouvelables. La collectivité souhaite aujourd’hui s’y investir davantage par une participation financière et technique aux nouveaux projets (page 6). Du côté de Loudéac Communauté, le parc s’est notablement développé depuis l’installation des premières éoliennes, au début des années 2000. Et il devrait encore s’étendre dans les années à venir (page 7). La forte densité d’éoliennes en Centre Bretagne est d’ailleurs à l’origine de la création d’une formation. Depuis 2015, le lycée Fulgence- Bienvenüe de Loudéac forme en effet chaque année une quinzaine de techniciens en maintenance des systèmes éoliens. Une formation d’avenir dans un domaine d’activité en plein développement (page 8). Les promoteurs de l’éolien ne manquent pas d’arguments pour légitimer son développement. « Les éoliennes contribuent activement à produire une énergie propre, respectueuse de l’environnement et à un coût maîtrisé. Elles sont plus que nécessaires en Bretagne où environ 85 % de l’électricité consommée est importée des régions voisines », avancent-ils. Pour autant, s’ils ne s’opposent pas à la production d’une énergie propre, certains riverains et élus estiment que la densité de mâts est déjà trop forte dans certains secteurs. C’est notamment le cas à Plumieux, où on comptabilise tout de même près de 80 éoliennes dans un rayon de 10 km autour de la commune. Ici c’est l’association Plum’ au vent mène le combat (page 10). C’est également le cas à Guern. 15 ans après sa mise en service, un parc éolien devrait finalement être démantelé. Pour autant, un nouveau projet inquiète les riverains et est déjà contesté par une association (page 12). Dans Le Mené en revanche, la participation financière des habitants aux projets éoliens a facilité la création d’un premier parc. Original et novateur, ce projet lancé il y a maintenant dix ans est même aujourd’hui appelé à se développer (page 14). À Merdrignac enfin, l’éolien c’est aussi l’affaire des riverains. Ici, ils ont été intégrés au projet et n’ont pas hésité à en devenir actionnaires (page 15).


Pontivy Communauté

La collectivité s’implique dans l’éolien

Sur le territoire de Pontivy Communauté, l’éolien apparaît comme la première source de production d’énergies renouvelables. La collectivité souhaite aujourd’hui s’y investir davantage par une participation financière et techniques aux nouveaux projets.

Devenir un territoire à énergie positive, c’est-à-dire produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme, à l’horizon 2050, tel est l’objectif affiché par Pontivy Communauté. Aujourd’hui, alors que la consommation annuelle d’énergie atteint près de 1 300 GWh sur le territoire, la production d’énergies renouvelables s’établit à un peu moins de 400 GWh, soit environ 30 %. Pour y parvenir, la collectivité entend développer une stratégie double portant à la fois sur une politique volontariste pour maîtriser la consommation d’énergie et sur un programme d’actions concrètes pour développer la production d’énergies renouvelables. Dans ce domaine, près de la moitié l’est par les éoliennes. Pontivy Communauté comptabilise aujourd’hui 11 parcs, pour un total de 50 éoliennes en fonctionnement. Deux nouvelles installations sont autorisées mais non construites à ce jour : six éoliennes à Séglien et une à Saint-Connec. Deux parcs sont par ailleurs identifiés à des stades avancés de développement : trois éoliennes à Bréhan et quatre à Silfiac. Enfin, d’autres projets sont à un stade moins avancés.

« La production annuelle est d’environ 170 GWh et notre ambition est d’atteindre 350 GWh, à l’horizon 2030, mais cela ne veut pas dire qu’il faudra doubler le nombre de parcs éoliens », explique Véronique Delmouly, vice-présidente de Pontivy Communauté, chargée de l’environnement et de la transition énergétique. Le repowering ou « renouvellement » d’un parc éolien, apparaît comme une solution pour accroître la production sans agrandir l’emprise au sol des parcs. Cette opération déjà menée à Kergrist, consiste à remplacer d’anciennes machines par des éoliennes plus performantes pour un gain de productivité évalué à 20 %. Intéressant mais assurément pas suffisant !

« Défendre nos intérêts »

La construction de nouveaux parcs éolien est une option possible mais le sujet est devenu particulièrement miné pour les élus locaux qui y sont confrontés. Chaque projet est immédiatement contesté par les riverains qui n’hésitent pas à créer une association pour défendre leurs intérêts. Une situation qui a amené Pontivy Communauté à proposer aux communes, un accompagnement technique et financier. « Les communes ne sont plus seules. Avec l’intercommunalité, nous sommes plus forts pour négocier avec l’opérateur, voire empêcher les projets qui n’apparaissent pas pertinents », assure l’élue.

Dans ce domaine, le projet éolien du Houarn, à Séglien, qui prévoit l’installation de six éoliennes, apparaît comme une première pour la collectivité. L’initiative en revient à la commune de Silfiac. Le parc étant situé sur la commune voisine mais en limite de son territoire, cette dernière a souhaité entrer dans le capital de la société à l’origine du projet. Elle va d’ailleurs y entrer à hauteur de 5 %. Pontivy Communauté aussi !

Regroupés au sein de la SAS Pondi Énergies, la communauté de communes et la SEM 56 Energies, détiendront en effet 40 % des parts. « Cela va nous permettre de conserver un maximum de ressources sur le territoire pour lancer une spirale vertueuse de la production d’énergies renouvelables, par forcément éolienne », assure Véronique Delmouly. En plus des futures dividendes, Pontivy Communauté et ses communes bénéficient de retombées fiscales via l’IFER (Imposition Forfaitaire sur les Entreprises de Réseaux). En 2022, cette taxe représentait tout de même 710 000 €. « Le fait que la collectivité investisse dans ces projets et profite des retombées économiques devrait aussi susciter une meilleure acceptabilité par la population voire un mécanisme de participation citoyenne », espère-t-elle. Ici pourtant, les opposants au parc éolien du Houarn ont formé deux nouveaux recours. Sans pousser à l’installation d’éoliennes, la communauté de communes semble disposer à continuer d’investir dans ce genre de projets. Mais compte tenu des nombreuses servitudes liées à l’installation d’éoliennes, ce territoire apparaît déjà aujourd’hui, à la limite de la saturation.


 

Loudéac Communauté

Un développement qui divise

Depuis l’installation des premières éoliennes, au début des années 2000, le parc s’est notablement développé sur le territoire de Loudéac Communauté. Et il devrait encore s’étendre dans les années à venir… ce qui n’est pas sans susciter des oppositions, chez certains élus comme chez les riverains.

Définir une stratégie à l’échelle du territoire pour s’adapter au changement climatique et à la transition énergétique et écologique… Tel est l’objectif du projet de Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET), actuellement en cours d’élaboration au sein de Loudéac Communauté. Sa finalité est d’abord d’identifier les enjeux et secteurs prioritaires ainsi que les potentialités du territoire, avant d’engager les acteurs pour atteindre ces objectifs et faire vivre une dynamique d’action sur le territoire.

Avec un total d’un peu plus de 400 GWh produits annuellement, la part des énergies renouvelables ne cesse de progresser. Pour autant, le territoire qui consomme en moyenne un peu plus de 1 700 GWh par an, semble encore bien loin de l’autonomie. Affichant une production annuelle avoisinant 190 GWh, l’éolien apparaît aujourd’hui comme la première source d’énergies renouvelables. De fait, Loudéac Communauté fait partie des secteurs où la densité d’éoliennes est la plus forte en Bretagne. Il faut remonter au début des années 2000 pour voir se dresser les premières éoliennes. En 2005, le parc de Caurel-Saint- Mayeux, apparaît comme un pionnier. Les cinq éoliennes, de 75 mètres de hauteur pour une puissance nominale de 0,85 MWh, sont alors plus petites et beaucoup moins puissantes que celles construites aujourd’hui. À titre d’exemple, les trois éoliennes actuellement en projet à Guerlédan mesurent 200 m et ont une puissance nominale de 4,5 MWh.

Douze parcs et près de 70 éoliennes

Au fil des années, les parcs vont se multiplier. « Cela n’est pas lié au gisement de vent, qui est de qualité sur l’ensemble des territoires bretons, assure un spécialiste. Les secteurs du Centre Bretagne présentent une moindre densité d’habitations et il est plus simple d’y trouver des zones respectant la limite des 500 mètres par rapport aux habitations. » Aujourd’hui, de Plumieux au Haut-Corlay, en passant par le Mené ou Saint-Caradec, on comptabilise 12 parcs pour un total de près de 70 éoliennes.

Et il devrait encore notablement s’étendre dans les années à venir. « Dans ce domaine, la politique de Loudéac Communauté est à la fois claire et simple, nous suivons systématiquement les décisions prises par les communes », assure Michel Ulmer, vice-président de la communauté de communes, chargé du développement durable et du PCAET. Entre les projets autorisés, ceux qui ne sont pas soumis à autorisation ou encore ceux qui en sont encore au stade de l’instruction, une douzaine de nouveaux parcs pour un total de près de 60 éoliennes pourraient être construits sur le territoire.

Ces nouveaux projets éoliens, qui viennent s’ajouter aux parcs déjà existants, ne remportent pas forcément l’adhésion, de certains élus locaux et de leurs administrés. Plusieurs maires, notamment à Saint-Barnabé, Loudéac ou encore Plumieux, ont clairement affiché leur opposition aux projets. Parallèlement, des associations comme « Vent debout », à Plémet, « La Plum‘ au Vent », à Plumieux, ou encore « Non aux éoliennes mûroises », à Guerlédan, se sont constitués pour défendre les intérêts des riverains. Sans forcément afficher une hostilité à l’énergie éolienne, ils estiment simplement que « trop, c’est trop. » Confrontés à une forte densité d’éoliennes dans des secteurs du territoire, certains affirment même ressentir « une sorte d’oppression ».


BTS Maintenance des systèmes éoliens

A Loudéac, on forme des techniciens

Depuis 2015, le lycée Fulgence-Bienvenüe de Loudéac forme chaque année une quinzaine de techniciens en maintenance des systèmes éoliens. Une formation d’avenir dans un domaine d’activité en plein développement.

« Je suis né près du Mont Saint-Michel et il y avait des éoliennes dans mon environnement quotidien, explique Mathias. Au fil des années, je m’y suis intéressé et j’ai finalement décidé d’en faire mon métier. » Pour Dorian, c’est une suite logique de son cursus. « Après un Bac en Sciences et technologies de l’industrie du développement durable, j’ai choisi de poursuivre dans cette filière d’avenir ». Tous deux âgés de 19 ans, les étudiants achèvent leur seconde année de BTS Maintenance des systèmes éoliens, au lycée Fulgence-Bienvenüe de Loudéac. L’idée d’ouvrir une formation dans ce domaine est née, il y a un peu plus d’une dizaine d’années. « C’était lors de l’inauguration d’un parc éolien, à Saint-Barnabé, en 2010, se souvient Hubert Bouquet, directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques au lycée de Loudéac. Compte tenu du développement de l’éolien dans la région, pourquoi ne pas initier une formation de techniciens en Bretagne, suggère alors le propriétaire du parc ? » L’idée ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Seul petit problème, elle n’existe pas encore dans le catalogue des formations proposées par l’Éducation nationale. « À l’époque, elle n’était dispensée qu’en formation continue », précise Hubert Bouquet. Lorsqu’en 2014, la filière est enfin créée, l’établissement loudéacien fait tout naturellement acte de candidature. Elle est retenue par la région, et le lycée peut accueillir la première promotion des étudiants en maintenance des systèmes éoliens, à la rentrée de septembre 2015. L’établissement accueillant déjà une formation en maintenance industrielle, il est nécessaire d’optimiser l’espace dans les ateliers, pour accueillir les équipements nécessaires à l’enseignement de cette nouvelle option. Mais ce n’est pas suffisant ! Pour accueillir pales et nacelles, il faut de l’espace… beaucoup d’espace. La communauté de communes de Loudéac va y pourvoir en mettant à disposition un bâtiment de son pôle environnement, d’une surface de 400 m2.

Une forte demande de techniciens

D’entrée, la première promotion limitée à 14 étudiants fait le plein. « Depuis c’est à chaque fois le cas, se réjouit Hubert Bouquet. Il n’y a que dix formations de ce type en France et la demande est de plus en plus importante. Pour la rentrée prochaine nous avons déjà plus de 180 candidatures. » Durant deux années, ils vont apprendre leur métier en travaillant sur des maquettes qui reconstituent le fonctionnement complet d’une éolienne mais également sur une nacelle ou sur une plateforme de quatre mètres afin de s’initier aux mesures de sécurité et au travail en hauteur. En première année, les étudiants effectueront par ailleurs un stage de deux mois en entreprise. Lors de la seconde année, ils devront mener un projet tutoré et présenter des pistes d’amélioration de l’existant. « Nous avons également noué des partenariats avec d’importantes entreprises du secteur (Emercon, EDF, Nordex…), ce qui nous permet de proposer une formation essentiellement basée sur la pratique professionnelle », insiste Hubert Bouquet. Une fois titulaires de leur diplôme, les étudiants pourront poursuivre leur formation par une licence professionnelle dispensée à Saint-Nazaire. Ceux qui souhaitent entrer dans la vie active n’auront guère de mal pour trouver immédiatement un employeur. « C’est un domaine en fort développement il y a une forte demande de techniciens en maintenance », assure Hubert Bouquet avant de préciser tout de même : « Il faut avoir une bonne condition physique pour monter les 70 mètres d’échelle dans le mât de l’éolienne et bien évidemment ne pas avoir le vertige. »


Association Plum’au vent

A Plumieux, « Trop c’est Trop ! »

Avec près de 80 éoliennes dans un rayon de 10 km autour de la commune, Plumieux affiche aujourd’hui son opposition à tout nouveau projet d’installation. Créée il y a cinq ans, l’association Plum’ au vent mène le combat avec des fortunes diverses.

« Nous ne sommes pas contre l’énergie éolienne mais autant de projets sur une même commune, ça ne va pas, trop c’est trop ». Depuis sa création, en juillet 2018, l’association Plum’au vent, présidée par Jean-Pierre Clément, s’est donnée pour mission de combattre les projets d’installation de nouveaux parc éoliens sur la commune. Il est vrai que le ciel plumetais est déjà bien saturé en pâles. « Dans un rayon de dix kilomètres autour de Plumieux on comptabilise 78 éoliennes, que l’on peut d’ailleurs apercevoir de la commune », assure-t-il. Au-delà de l’association, cette prolifération d’éoliennes exaspère une large majorité des habitants de la commune. Lors d’une pétition initiée en 2017, 82 % des Plumétais(es), avait ainsi affiché son opposition à l’implantation de nouvelles turbines sur le territoire de leur commune. Initialement plutôt favorable à des projets pouvant générer des ressources financières, les élus se sont finalement ravisés. Au mois de juillet 2020, le conseil municipal a en effet refusé la réalisation d’études en vue de l’implantation de nouveaux parcs éoliens sur le territoire communal.

Reste que le territoire intéresse toujours autant les promoteurs éoliens. « Notre secteur n’est pas traversé par un couloir aérien, indique Fernand Le Roy, membre de l’association. De plus, nous sommes dans une zone où les habitations sont très diffuses et où il y a une faible population. » Selon la législation, l’implantation d’une éolienne n’est possible que si elle se trouve à plus de 500 m d’une habitation. Résultat, il y a eu jusqu’à cinq projets en même temps sur la commune. Deux sont toujours en cours ! Pour le projet de Keranna, composé de cinq éoliennes, l’association semblait plutôt confiante après l’avis défavorable émis par le préfet. Le vent a finalement tourné lorsque la cour administrative d’appel de Nantes a préconisé sa validation. Le préfet a dû revoir sa copie pour finalement donner son autorisation. L’association a bien essayée de faire appel… Elle a été déboutée et le parc va se faire.

Le combat continue

Pour le parc de Péhart, le projet initial portait sur la construction de sept éoliennes. « Dans le village qui compte une quarantaine d’habitants, les avis étaient partagés, rappelle Jean-Pierre Clément. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une poignée à y être favorable. » Le conseil municipal s’y est naturellement opposé et le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable. Le préfet n’a pas suivi mais a assorti sa décision d’un compromis en autorisant la construction de deux éoliennes. Validée en janvier dernier, par la cour administrative d’appel de Nantes, la décision fait aujourd’hui l’objet d’un recours porté par le conseil municipal devant le Conseil d’État. Si l’association doit composer avec ces revers, elle peut aussi s’enorgueillir de belles victoires. Ainsi, le projet des Landiers a été abrogé par le préfet sans même passer par une enquête publique. De même, à l’issue d’un combat aussi long qu’indécis, Plum’au vent a réussi à stopper le projet de Quillien, qui portait sur la construction de quatre éoliennes. Loin de se reposer sur ses lauriers, l’association entend continuer à rester vigilante. « Il faut savoir que plus il y aura de projets éoliens acceptés, plus le risque d’extensions des champs éoliens existants sera réel », explique Fernand Le Roy. Persuadés que leur territoire a « assez donné », ils vont poursuivre leur combat et s’opposer à l’installation de nouveaux mâts sur la commune.


Guern

Vents contraires pour l’éolien

Le combat aura été long et les décisions régulièrement remises en question ! 15 ans après sa mise en service, le parc éolien du Niziau, à Guern, devrait finalement être démantelé. En attendant la décision du Conseil d’État et l’épilogue de ce très long feuilleton, un nouveau projet de parc éolien sur la commune, inquiète les riverains et est déjà contesté par une association.

 

2008. Trois ans après l’obtention d’un permis de construire, un parc géré par une société allemande et composé de trois éoliennes installées au Niziau, dans la commune de Guern, entre en activité. Son existence est pourtant rapidement contestée par les riverains regroupés au sein de l’Association contre le projet éolien de Guern (ACPEG). Celle-ci obtient d’ailleurs une première victoire, dès l’année suivante. En février 2009, le tribunal administratif de Rennes annule le permis de construire arguant du fait que « les éoliennes sont installées dans l’écosystème de la vallée de la Sarre et sont, de plus, situées à moins de 500 mètres d’un hameau. » Son jugement est confirmé, en 2010, par la cour administrative d’appel de Nantes, puis par le Conseil d’État, en 2012.

On aurait naïvement pu croire que le dossier était plié et que l’exploitant allait démonter ses pâles. Pas vraiment puisque ce dernier obtient en même temps l’autorisation de poursuivre l’exploitation du parc ! Entre temps, il a changé de main et est désormais géré par la société Parc éolien de Guern, dont le siège est basé en Floride. Et ce nouveau propriétaire n’entend pas déposer les armes aussi facilement. Les appels et les recours se multiplient. À chaque fois ils sont suspensifs et les éoliennes continuent de tourner et de produire de l’électricité !

En janvier 2022 pourtant, la cour administrative d’appel de Nantes semble enfin siffler la fin de la partie. Les éoliennes doivent cesser de tourner. Mieux, elles doivent être démontées. L’exploitation est effectivement stoppée, mais le dossier n’est pas pour autant définitivement bouclé. Reste en effet à attendre une nouvelle, et dernière décision, du Conseil d’État. Lors d’une audience qui s’est tenue au mois de février dernier, celui-ci a pu entendre les arguments de chacune des parties et notamment celle du rapporteur public de la haute justice administrative qui plaide pour « mettre fin à cette incroyable procédure qui dure depuis 15 ans. » La décision pourrait être rendue dans les prochaines semaines mais si elle est confirmée, le combat ne sera pas pour autant terminé. Il faudra alors ouvrir l’épineux dossier du démantèlement et de la remise en état du site… et donc du financement de ces travaux !

En attendant l’épilogue du parc éolien du Niziau, les riverains se sont déjà mobilisés contre un nouveau projet de parc éolien, à Kerhiec, et approuvé par le conseil municipal de Guern, en 2021. Porté par la société Locogen, il prévoit la construction de deux éoliennes de 170 m de haut, et de 4,5 mégawatts de puissance unitaire. Cette fois, la contestation est portée par l’association La Pierre du diable et présidée par David le Goff. Elle s’appuie sur l’inquiétude des riverains mais aussi et surtout sur la défense de l’environnement. « Le site est en zone sensible, à proximité immédiate d’une zone Natura 2000, et du ruisseau de Bonne-Chère qui abrite une moule d’eau douce protégée et menacée d’extinction », insiste le président de l’association.

De son côté, le maire Joseph Le Bouëdec rappelle que « le projet a reçu un vote favorable du conseil et il ne semble pas susciter de nuisances pour les riverains ». Il attend désormais les résultats des études pour statuer sur la suite de ce dossier. Reste à espérer que ce nouveau feuilleton ne s’éternise pas autant que le précédent !


Landes du Mené

Les cigales chantent

Dans Le Mené, les cigales n’ont pas fait que chanter ! Le nom de cet insecte ailé est aussi celui des groupes d’investisseurs qui ont participé au financement du parc éolien des Landes du Mené. Original et novateur, ce projet, lancé il y a maintenant dix ans, devrait être encore développé par la création du parc de « Lormen Eole », sur les communes de Laurenan et Saint-Gilles-du-Mené.

Dans Le Mené, on n’a pas attendu la COP 21 pour innover et développer les énergies renouvelables ! Dès le début des années 2000, bien avant la 21e conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s’était déroulée à Paris en 2014, la communauté de communes(1) a mené une politique volontariste dans ce domaine. Qu’il s’agisse de la méthanisation, des biocarburants, du photovoltaïque ou encore de l’éolien… elle a su développer un bouquet énergétique de production de chaleur et d’électricité par la valorisation des ressources locales. Initialement prévue pour 2025, l’autonomie énergétique devrait être atteinte à l’horizon 2030.

Dans le domaine de l’éolien, le premier projet est né au milieu des années 2000. La construction de l’un des premiers parcs éoliens de Bretagne en 2005, dans la commune voisine de Tréby, sur les hauteurs du mont Bel-Air, ne manque pas d’interpeller les élus locaux. Alors que les nuisances générées par ce parc de la première génération sont subies par les habitants, les profits générés le sont au seul profit d’un fonds de pension américain! Ici, pas question de procéder de la même façon. La participation des citoyens à un projet éolien s’impose d’entrée comme une évidence.

Bien avant que les premiers coups de pioches ne soient donnés, le montage financier du projet se distingue par son originalité. Dès les premières études d’impact du projet éolien sur le site des Landes du Mené, plusieurs personnes se regroupent en effet au sein d’un Club d’Investisseurs, pour une Gestion Alternative et Locale de l’Épargne Solidaire (CIGALES). Baptisé « Cimes 1 », il regroupe une vingtaine de locaux qui ont investi une somme pouvant osciller entre 2 000 € et 10 000 €. Discussions, explications, réunions d’information… le projet ne tarde pas à séduire de plus en plus d’habitants. Les « Cimes » se multiplient et on compte aujourd’hui huit clubs d’investisseurs regroupant au total plus de 140 ménages. Ceux-ci détiennent 30 % du capital de la société d’investissement industriel « Citéol Mené ». Le reste, soit 70 %, est aujourd’hui détenu par la Sicap. Cette société coopérative de la région de Pithiviers, qui gère, comme régie locale, la distribution électrique d’une centaine de communes du Loiret, s’est aussi lancée dans l’éolien.

Situé à cheval sur la crête qui sépare Saint-Gouëno et Saint-Jacut-du-Mené, le parc éolien comprend sept éoliennes d’une hauteur de 90 mètres a été mis en service en juillet 2013. Aujourd’hui, elles produisent annuellement 13 000 MWh et rapportent aux investisseurs un rendement d’environ 7 % par an.

Dix ans après son inauguration, le parc a fait l’éclatante démonstration que la participation des habitants peut efficacement agir pour un développement économique et durable du territoire. Un second projet, baptisé « Lormen Éole » portant sur la construction d’un parc de cinq éoliennes est d’ailleurs à l’étude. Situé à cheval sur les communes de Laurenan et Saint-Gillesdu- Mené, il devrait de nouveau associer la Sicap et les cigales. Cette fois, l’insecte ailé devrait même détenir 40 % des parts.

(1) Depuis 2016, elle est devenue commune nouvelle par la fusion de sept communes : Collinée, Le Gouray, Langourla, Plessala, Saint-Gilles-du- Mené, Saint-Gouéno, Saint-Jacut-du-Mené.


Le clos neuf à Merdrignac

Un parc éolien participatif

Mis en service en septembre dernier, le parc éolien du Clos Neuf, à Merdrignac, est aussi l’affaire des riverains. Ici, ils ont été intégrés au projet et n’ont pas hésité à en devenir actionnaires. Initiateur du projet participatif et président des actionnaires citoyens, Dominique Daunay explique la démarche.

Dominique DAUNAY

Comment est né ce projet de parc éolien participatif ?

La commune de Merdrignac a été sollicitée en 2013 par une société privée pour l’installation d’un parc éolien. Quand j’ai eu connaissance de ce projet, j’ai proposé à la mairie de créer une société de participation citoyenne pour que les gens du territoire puissent être partie prenante du projet.

Comment avez-vous réussi à mobiliser des citoyens-actionnaires ?

Nous ne voulions surtout pas que la gestion soit assurée uniquement par une société privée. Nous avons beaucoup travaillé en amont et nous sommes allés à la rencontre de la population pour discuter et expliquer. Ça a plutôt très bien marché. Il n’y a pas eu un seul recours et l’association a rapidement pu mobiliser 60 actionnaires qui ont investi 5 000 E ou 10 000 E, pour un montant total de 500 000 E. Parallèlement une campagne de financement participatif est venue compléter l’ouverture aux habitants du territoire. Plus de 250 prêteurs ont apporté 500 000 E sous forme d’obligations via la plateforme Lendosphère. Ces obligations seront rémunérées à un taux de 5 % annuel.

Quel est votre poids et votre rôle dans la gouvernance du parc éolien ?

Le groupe allemand BayWa r.e, présent en France depuis 2005, est l’actionnaire majoritaire avec 51 %. La Banque des territoires détient 40 % et la société Quénéa, 1 %. L’association des citoyens et riverains détient quant-à-elle 8 % du capital. Au-delà des retombées financières pour chacun des actionnaires (6,5 % de dividendes par an), nous intervenons pour que la population ne soit pas impactée par de possibles nuissances. Nous avons des réunions régulières avec les actionnaires majoritaires qui prennent en compte nos demandes.

Quelles sont les retombées pour la collectivité ?

Installé sur les communes de Merdrignac et d’Illifaut, le parc compte quatre éoliennes de 150 mètres de hauteur. La puissance totale du parc est de 12 MWh, c’est-à-dire la consommation annuelle de 5 600 foyers, soit plus de 12 000 personnes. Le parc est soumis à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer), soit environ 140 000 E par an. Cette somme est répartie entre la communauté de communes (65 %) et les communes (35 %).

Ce projet est-il appelé à se développer ?

Un projet de second parc sur les communes d’Illifaut et de Trémorel est actuellement à l’étude. Baptisé « Les Roches blanches », il devrait lui aussi compter quatre éoliennes. L’opérateur souhaite également un financement par les citoyens qui est, pour eux, comme pour nous, un gage de réussite pour un projet accepté par les citoyens et les collectivités.

Il y a de nombreux projets de parcs en Centre Bretagne. Inciteriez-vous les habitants à investir dans un parc éolien ?

Il ne faut pas hésiter. Il suffit de voir l’évolution climatique pour considérer qu’il est indispensable d’aller vers un mix énergétique. Cela peut être l’éolien, mais également la méthanisation ou les panneaux photovoltaïques. Il faut vraiment y aller pour ne plus être tributaire des énergies fossiles et récupérer la maîtrise de l’énergie. Ça devrait appartenir aux habitants et je pense que les collectivités locales pourraient aller encore plus loin dans ce sens en construisant elles-mêmes leurs parcs. Certaines s’y sont déjà engagées et c’est rentable.

 

 

 

 

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