Elle chante à la télé et allaite ses petits
Crouou’crou crrououh… Ou quelque chose d’approchant. On a tous entendu le chant de la
gentille tourterelle turque. Même quand on n’habite pas vraiment la campagne. Il est doux,
oui… mais souvent prise de tête aussi, à force d’être répété et répété encore. Mais on l’aime bien quand même, le bel oiseau venu d’Orient.
Originaire d’Inde, la jolie roucouleuse s’est rapidement découvert des envies d’ailleurs. Et elle a choisi sa direction de voyage : cap à l’ouest avec un peu de nord dedans. Au milieu du XIXe siècle, elle a atteint la Turquie et y a fait une longue halte qui lui a donné son nom. Au début du XXe siècle elle a coché la case Balkans qu’elle a complètement occupée en 1930. Et puis, petit à petit, elle a fait son nid un peu plus loin, toujours plus à l’ouest. Après un détour par la Hollande et le Danemark, elle a mis ses pattes chez nous (dans l’est) en 1950 et n’a atteint l’Andalousie qu’en 1976. Comme elle apprécie nos paysages et ses habitants, la tourterelle a très vite posé ses valises dans notre joli Hexagone. Fini les migrations, on est trop bien Ici et Là ! Même pour les vacances, notre chez nous est devenu chez elle. Plus question désormais, chaque printemps et chaque été, d’échapper à son crouou’crou crrououh lancinant qui ravit les un(e)s et crispe les autres. Son chant nous est devenu d’autant plus familier que le bel oiseau beige se plaît, sinon en notre compagnie, au moins à notre proximité. Au point qu’il niche volontiers dans nos jardins et dans les parcs et allées de nos villages. Il a également un faible pour les lampadaires de nos rues et nos antennes de télévision d’où il pousse souvent sa chansonnette. Comme s’il avait choisi la belle exposition, la belle visibilité qu’ils lui procurent. En fait, pas impossible qu’elle se la pète grave, la tourterelle, quand elle vocalise d’où elle sait qu’on la voit de loin.
Papa fait comme maman
La roucouleuse choisit donc les scènes où elle se produit mais reste résolument campagnarde. Elle laisse le Zénith, le Stade de France ou l’Olympia à son lointain cousin, le très urbain pigeon biset. La ville, surtout la grande, c’est pas son truc. Si ça se trouve, elle a même la conviction qu’elle les a déjà conquises, les grandes cités. Elle pense que quand elle squatte l’antenne pour chanter, c’est sur toutes les télés du monde qu’on la voit et l’entend roucouler. Et bien malin qui peut lui prouver qu’elle a tort. On a tous vu et entendu, au moins une fois, une tourterelle sur nos écrans, non ? C’est peut-être même simplement pour ça qu’on vous en cause aujourd’hui. Parce qu’on n’a pas échappé à sa campagne permanente de pub. Elle est forte, la jolie tourterelle. Forte et polyvalente. Star de la télé à l’insu de notre plein gré, elle est aussi une excellente maman qui, comme les plus tendres mammifères, allaite ses petits. Oui, vous avez bien lu et l’info est vérifiée. Recoupée même, comme il se doit. À l’instar des pigeons, des flamants roses ou des manchots empereurs, la tourterelle produit du lait de jabot. Une super nourriture qui renforce le système immunitaire de leurs petits. On précise « leurs petits » pour associer la maman et le papa à la performance. Plus balèze que tous ses collègues mammifères, le papa tourterelle aussi produit en effet du lait. Et il allaite ses petits. Qui deviennent vite grands avec leur régime à haute teneur énergétique : exclusivement du lait pendant la première semaine ; un mélange graines-lait durant la seconde et sevrage à 18 jours. Et hop, c’est parti pour une nouvelle génération de roucouleuses. Les antennes râteau se faisant rares, elles s’interrogent déjà. Comment faire pour chanter sur la fibre ?