Depuis maintenant plus de six ans, Hervé Harnois dirige une laiterie artisanale accolée à son exploitation agricole de Saint-Gouvry, dans la commune de Rohan. Il y produit un dessert lacté et aromatisé très prisé des gourmets : le yaourt de Ker Ronan.
Petit-fils et fils d’agriculteur de Saint-Gouvry, à Rohan, Hervé Harnois aurait pu suivre le même chemin que ses aïeux. C’était d’ailleurs le souhait de ses parents. Mais pas vraiment le sien. Au début des années 80, les rêves du jeune homme le transportent en effet bien au-delà de l’horizon du domaine de la ferme familiale. L’informatique n’en est encore qu’à son âge de pierre, mais il est passionné et en perçoit sans doute déjà les immenses potentialités. Pendant plus de 20 ans, il va donc en faire son métier. Au milieu des années 2000, il sent pourtant le vent tourner et les marchés se délocaliser. Il est alors temps de rentrer au pays pour reprendre la ferme familiale. L’exploitation ne compte qu’une vingtaine de vaches laitières et le quota qui lui est octroyé n’est guère élevé. Surtout, le nouvel exploitant agricole est convaincu qu’il faut valoriser sa production sur place en proposant un produit haut de gamme à un prix compétitif. Si la production de yaourts s’impose comme une évidence, encore faut-il acquérir le savoir-faire. Pour y parvenir, il va bénéficier du précieux soutien de deux Bretons qui dirigent une laiterie en Dordogne. « Ils m’ont beaucoup appris, reconnaît-il. La fabrication bien sûr, mais également la connaissance des circuits de distribution. »
Un yaourt doux et onctueux
Le pari est risqué mais il décide néanmoins de le tenter avec son épouse qui quitte définitivement sa profession d’infirmière. En 2008, il investit et construit un atelier de fabrication à proximité de l’exploitation. Il aurait pu choisir le nom de Ker Rohan pour commercialiser ses produits, mais il opte finalement pour Ker Ronan. Secondé par un employé, le couple se lance dans la production de yaourts avec le lait produit par les vaches de l’exploitation. Des vaches nourries exclusivement à la luzerne, au foin, à l’herbe et au maïs grain. Pour aromatiser ses produits, Hervé Harnois essaye de privilégier les circuits courts et la production locale. Ce sera d’ailleurs le cas pour son yaourt à la fraise de Plougastel. Pour les abricots, la vanille, le citron vert ou encore la noix de coco, c’est forcément plus compliqué. « Nous voulions absolument proposer un produit de qualité, explique-t-il. Un yaourt doux, onctueux et agréable. » Le yaourt a du goût et le packaging est bien léché. « Mais au final c’est toujours le consommateur qui décide », admet-il. Et en l’occurrence, il apprécie.
Dans les rayons des supermarchés, la concurrence est pourtant particulièrement sévère. « C’est justement parce qu’il y a de la concurrence qu’il y a des niches dans lesquelles il est possible de s’installer », sourit Hervé Harnois. Si le prix de ses yaourts est en moyenne supérieur de 5 à 10 % par rapport à celui de ses concurrents, il parvient néanmoins rapidement à se faire une place dans les grandes et moyennes surfaces de la région. Au départ, ces dernières lui réservent d’ailleurs plutôt un bon accueil. « Nous avons d’abord travaillé avec les enseignes du coin, précise-t-il. Il fallait les convaincre qu’il s’agissait d’un produit du territoire fabriqué par des gens du territoire et donc pas délocalisable. » Il sait de quoi il parle car celui qui a travaillé plus de vingt ans dans l’informatique, connaît bien les effets de la mondialisation. Et il est rapidement convaincant puisque dès la première année d’activité, il parvient à écouler plus de 70 tonnes de yaourts dans une quarantaine de supermarchés de la région.
Cette volonté de porter haut le savoir-faire régional, va d’ailleurs trouver une suite logique par un référencement immédiat au label « Produit en Bretagne ». D’entrée, les huit gammes de yaourts qu’il met en rayon bénéficient en effet de l’estampille de la marque au phare. Depuis, cette dernière lui a même décerné un prix de l’innovation pour son yaourt au citron vert. « Cette reconnaissance nous a été très précieuse au départ et elle représente toujours un plus car ce label est synonyme de qualité », se félicite Hervé Harnois.
700 tonnes dans 800 magasins…
Mais depuis, l’entreprise a bien grossi. Désormais forte de 15 salariés, elle écoule chaque année plus de 700 tonnes de yaourts dans plus de 800 magasins du grand ouest et de la région parisienne. Et comme la production de sa seule exploitation ne suffit plus à alimenter les besoins de la laiterie, il a fait appel à des éleveurs locaux qui privilégient comme lui, la qualité plutôt que la quantité.
La méthode artisanale, elle, n’a en revanche pas changé. La pasteurisation est toujours effectuée à basse température et il n’y a pas de traitement mécanique, c’est-à-dire d’écrémage du lait. Certes, le procédé de fabrication demeure plus long que chez les industriels, mais c’est aussi cela qui donne à son yaourt une texture onctueuse et inégalée.
Les consommateurs peuvent être rassurés, l’aventure n’est pas près de s’arrêter. Car à 53 ans, Hervé Harnois a encore des projets. Mais dans un contexte de concurrence exacerbée, il entend une nouvelle fois jouer le contrepied sans toutefois trop se dévoiler. Une chose au moins demeure certaine, il ne changera pas sa manière de fonctionner et continuera à faire confiance aux hommes et aux produits avec une seule exigence : la qualité.