LA TOUR SAINT EUTROPE

Langourla, aujourd’hui connu pour son festival de Jazz qui se tient annuellement en août, est une très ancienne paroisse. En 1211, des traces écrites attestent de son existence et elle fut administrée jusqu’en 1312 par les templiers. Pas étonnant d’y trouver une tour cultuelle singulière dédiée à un saint martyr énigmatique.

La tour Saint Eutrope

La tour daterait du XIIe siècle. Elle est cependant répertoriée comme étant du XVIe dans la base Mérimée (base de données concernant les monuments historiques). L’édifice est en réalité le clocher et le parvis de l’ancienne église du XVIe siècle. De forme octogonale construite avec des pierres de taille de la région, elle compte quatre ouvertures sur arcs en ogives. Sur les piliers, des anges sont sculptés et portent les écussons des seigneurs de Langourla. En 1869, lors de la construction de la nouvelle église, la tour devait être démolie. L’évêque de Saint-Brieuc de l’époque, s’opposa à cette destruction. L’édifice fut préservé grâce à la pugnacité de l’évêque et peut-être aussi grâce aux armoiries des seigneurs gravées sur les piliers et à la légende de Saint Eutrope ! Elle devint alors la chapelle des morts, veillant sur le cimetière à ses pieds. À la fin des années 1950, il fut à nouveau question de la démolir. Envahie par le lierre, sa charpente donnait de sérieux signes de fatigue. La tour Saint Eutrope fut définitivement sauvée en étant classée monument historique le 19 mai 1965. Elle fut alors entièrement rénovée. Le cimetière, fut transféré à la sortie du bourg à la fin des années 1950.

Saint Eutrope, énigmatique et légendaire

On sait très peu de choses de Saint Eutrope, même la date de son épiscopat est incertaine! Sa vie fut confiée à la tradition orale et l’imagination des conteurs en fit peu à peu un homme de légende doté de pouvoir de guérison. Eutrope, est d’origine perse, l’actuel Iran. Il a sans doute vécu vers la fin du IIIe, début du IVe siècle. Toutefois les légendes colportent qu’il fut contemporain de Jésus car il aurait assisté à la multiplication des pains et des poissons, puis à l’entrée triomphante de Jésus à Jérusalem ! Lors de l’arrestation du Christ, il aurait tenté de lever une armée pour le secourir. Il aurait ensuite rejoint les apôtres et les premiers disciples pour évangéliser l’Europe. Saint Pierre l’aurait envoyé à Saintes, grande ville romaine de Gaule et la légende en a même fait le treizième apôtre! Premier évêque de Saintes, il a le pouvoir de faire marcher les estropiés, de guérir l’hydropisie et les migraines. Ses dons l’aide à convertir au christianisme hommes et femmes de tous milieux, jusqu’à la princesse Estelle, la fille du gouverneur romain de la ville de Saintes ! Ce dernier n’acceptant pas la christianisation de sa fille, il ordonne à des brigands de lapider l’évêque Eutrope. Le supplicié meurt d’un coup de hache qui lui ouvre la tête ! Ainsi Eutrope devient un saint martyr !

Un pèlerinage pour guérir de « tous les maux »

Saint Eutrope n’est certainement jamais venu à Langourla. Entre légende et réalité, à la veille de la Révolution en 1789, le vicaire de l’époque de la paroisse de Langourla, Monsieur Duval, attesta avoir vu exposé à la vénération publique, les reliques de Saint Eutrope, très bien conservées et enchâssées dans un bras d’argent. Elles furent emportées par Julien-François Palasne de Champeaux, député aux États généraux de 1789, nul ne sait où. Ces reliques du saint martyr aux pouvoirs de guérison firent que la tour Saint Eutrope devint un lieu de pèlerinage et de dévotion. Les pèlerins avaient coutume d’emporter une poignée de terre arrachée à proximité de la tour. Cette terre, appliquée sur le malade, puis rapportée religieusement au pied de l’édifice à la bienveillance du Saint, apaisait toutes les douleurs des souffreteux.