De Bourbriac, dans les Côtes d’Armor, où il prend sa source, jusqu’à la rade de Lorient, où il se jette… le Blavet s’étire sur 163 km. À partir de l’exposition réalisée par Jérôme Lemesle, archiviste à la ville de Pontivy, nous vous proposons une série sur l’histoire d’un fleuve qui a contribué à façonner l’histoire du Centre Bretagne. Deuxième volet : les industries fluviales.
Dès le Moyen Âge, les hommes ont utilisé les cours d’eau dans le cadre de leurs activités économiques. De nombreuses « usines » ont investi les abords des rivières afin de bénéficier des bienfaits de l’eau.
Les premiers établissements sur les bords du Blavet sont les moulins qui utilisent la force motrice des eaux pour actionner leurs meules et moudre le grain. Dès le milieu du Moyen Âge, les emplacements stratégiques du fleuve voient l’installation de ces édifices. La plus ancienne mention d’un moulin à grain à Pontivy remonte à 1164. À Bieuzy, la famille de Rimaison en fait élever un à son tour au milieu du XVIe siècle. À Saint Aignan, le moulin Bolloré est attesté avant la Révolution.
Le moulin est alors un élément central de la vie locale. Le seigneur, propriétaire du bâtiment, y prélève une taxe. Les paysans, qui n’ont pas le droit de moudre leur grain eux-même, doivent se rendre au moulin qui leur est désigné. S’ils se rendent ailleurs, le meunier peut les attaquer en justice. Ce pouvoir lui vaut la jalousie de ses concitoyens et il est souvent soupçonné d’abus.
Des moulins aux minoteries
Le cours du Blavet accueille un grand nombre de moulins. En 1800, on en compte six rien que sur le territoire de Pontivy (cinq autres moulins existent également sur des affluents du fleuve). Cependant, les travaux de canalisation du Blavet et l’industrialisation du XIXe siècle ont raison de bon nombre d’entre eux. Ils offrent une nouvelle configuration de travail. L’acquisition des concessions au niveau des retenues d’eau fait l’objet d’une lutte acharnée.
À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les moulins entrent dans l’ère industrielle pour devenir des minoteries. Les bâtiments s’agrandissent. À Pontivy, les Vieux Moulins vont être remplacés par un bâtiment de six étages. Les roues sont peu à peu remplacées par des turbines. Lestitut, le moulin le plus productif de Pontivy en est équipé à partir de 1911, le moulin de Guernal, en 1936. Dans certains moulins, le broyage du grain est en partie assuré par des machines à vapeur.
À la même époque, les moulins diversifient leur activité. Certains d’entre eux, tel que celui de Saint-Michel (Le Sourn), abandonnent la production de farine pour produire la poudre de phosphate nécessaire à la modernisation de l’agriculture. D’autres, tel le moulin des Récollets, à Pontivy, complètent leur activité par l’installation d’une scierie.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le nombre de minoteries diminue fortement. La dernière minoterie de Pontivy ferme en 1965. La minoterie du Blavet, à Gouarec, ferme au début des années 1990.
L’âge d’or des tanneurs
L’autre industrie importante liée au fleuve est celle de la tannerie, c’est-à-dire le nettoyage des peaux et leur transformation en cuir. Cette activité nécessite beaucoup d’eau (les peaux sont mises à tremper dans des bassins), ce qui explique que ces établissements s’installent généralement au bord des rivières. Avec le commerce de la toile, la tannerie fait la richesse de Pontivy au XVIIe siècle. Les tanneurs sont des personnages importants de la ville qui en comptera jusqu’à 39 en 1739. Ils comptent parmi les habitants les plus fortunés.
Au cours du XVIIIe siècle, l’économie locale connaît une crise importante. Fragilisées par la dissolution de la Compagnie des Indes, les tanneries de Pontivy ont du mal à faire face à la concurrence. À la veille de la Révolution, la ville ne compte plus que trois ou quatre tanneurs, de fortunes médiocres, et qui exercent souvent une activité complémentaire liée au travail du cuir (cordonnerie, corroierie…).
Au XIXe siècle, la tannerie pontivyenne connaît un renouveau. Quatre tanneries importantes sont dénombrées en 1882 dans la ville, toutes le long de la vieille rivière. Mais Pontivy a également connu plusieurs établissements temporaires.
Au XXe siècle, le travail du cuir est toujours pratiqué, mais, dans la décennie 1910, deux incendies touchent sévèrement les tanneries Guerlais et Pierre, provoquant un important ralentissement de leur activité. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale l’activité est reprise par l’entreprise « Cuir et peaux » qui fonctionne jusqu’au début du XXIe siècle.
Des fortunes importantes
Au XIXe siècle, ces industries fluviales sont à l’origine d’importantes fortunes. Vincent Sado (1832-1919) en est un bon exemple. Fils d’ouvrier agricole de Noyal-Pontivy, il devient boulanger à Pontivy. Insatisfait de la farine qu’on lui propose, il loue un moulin pour faire sa propre production. Très vite, ses anciens apprentis lui demandent de les fournir et il se voit contraint, afin de satisfaire leurs demandes, de louer un moulin plus important (la minoterie de Guernal). À la fin des années 1880, il achète la minoterie de Lestitut, puis les Moulins Neuf et devient le minotier le plus important de la région de Pontivy. À sa mort, il possède également une minoterie à Baud et une autre à Saint-Jouan-des-Guérêts, sur la vallée de la Rance.