De Bourbriac, dans les Côtes d’Armor, où il prend sa source, jusqu’à la rade de Lorient, où il se jette… le Blavet s’étire sur 163 km. À partir de l’exposition réalisée par Jérôme Lemesle, archiviste à la ville de Pontivy, nous vous proposons une série sur l’histoire d’un fleuve qui a contribué à façonner l’histoire du Centre Bretagne. Troisième et dernier volet : le canal et le barrage.

Les premiers projets de canalisation des fleuves de Bretagne apparaissent dès le milieu du XVIIe siècle. Cependant, il faut attendre le Premier Empire pour voir se concrétiser ces projets.

Le 17 septembre 1802 et le 17 mars 1804, par arrêté, Napoléon lance un grand projet de canalisation en Bretagne en rendant le Blavet navigable et en lançant l’aménagement du canal de Nantes à Brest. La construction de ces canaux répond avant tout à un besoin stratégique. Elle permet d’apporter un soutien logistique aux troupes stationnées sur la côte et de relier les arsenaux de Nantes et Brest sans passer par les routes maritimes soumises aux attaques des Anglais. Accessoirement ces nouvelles voies de communication doivent permettre de désenclaver  le  Centre Bretagne et d’y développer une économie plus importante.

Les travaux du canal du Blavet débutent en 1803, ceux du canal de Nantes à Brest en 1806. Devant le manque de main d’œuvre disponible, on fait appel, dès 1811, aux prisonniers de guerre, aux déserteurs puis aux bagnards. 

La chute de l’Empire provoque l’arrêt des travaux qui ne reprendront qu’en 1820. En novembre 1825, une première péniche remonte le canal du Blavet depuis Lorient. Il faut cependant attendre 1832 pour que le canal soit entièrement ouvert à la navigation. La construction du canal de Nantes à Brest prend elle aussi du temps. Le canal est finalement ouvert à la navigation en janvier 1842. 

L’exploitation du canal

L’exploitation des canaux connaît des débuts difficiles en raison de problèmes de viabilité et du faible tonnage des navires autorisés à l’emprunter (seules les péniches dont le tirant d’eau est inférieur à 1,62 m y sont tolérées). D’autre part, la Compagnie des quatre canaux, qui en assure la gestion, pratique des tarifs prohibitifs.

La nécessité de favoriser la circulation de la chaux et des engrais nécessaires au développement d’une agriculture plus intensive et la concurrence du chemin de fer vont favoriser son activité et accélérer sa défiscalisation à partir des années 1860. Son activité, qui reste très locale, atteint son paroxysme en 1911. Durant cette période, les berges du canal accueillent une grande quantité de débarcadères privés, érigés par des entreprises qui possèdent parfois leur propre flotte de péniches.

La mobilisation et la réquisition des péniches lors la Première guerre mondiale portent un rude coup à la navigation fluviale qui devient inexistante. À l’issue des hostilités, le chemin de fer qui s’est considérablement développé et la concurrence nouvelle du transport routier, rendent difficile la reprise des activités fluviales. C’est finalement la construction du barrage de Guerlédan qui donnera le coup de grâce au transport fluvial. Le canal de Nantes à Brest sera définitivement déclassé en 1953.

Le barrage de Guerlédan

En 1912, la ville de Pontivy lance l’électrification de son réseau d’éclairage public. Le déclenchement de la guerre va rendre cette mutation impossible. À l’issue du conflit, l’usine à gaz de Pontivy ne peut répondre aux besoins de la municipalité.

L’origine de la construction du barrage de Guerlédan vient de la rencontre entre le sous-préfet de Pontivy, Joseph Ratier, et un ingénieur originaire de la ville, Auguste Leson. Entre 1920 et 1923, les deux hommes développent l’idée d’élever un barrage de 40 m
de hauteur, au niveau de l’écluse de Guerlédan. Pour cela, ils trouvent un allié de poids en la personne de Yves Le Trocquer, ministre des Travaux publics, qui appuie publiquement leur projet en 1924.

À la demande de Leson, la « Société générale d’entreprise « (SGE) effectue une étude du site et dépose, dès 1921, une demande de concession pour la chute à aménager au lieu-dit de Guerlédan. Auguste Leson en prend la direction sous le patronage bienveillant du ministre des Travaux publics. Le coût du projet est alors estimé à 32 millions de francs.

Le premier coup de pioche est donné le 1er juin 1923. Mais le chantier va connaître plusieurs aléas. En janvier 1925, les crues

exceptionnelles entraînent des dégâts importants qui retardent les travaux. En Septembre, le chantier s’arrête pour des raisons financières. Ils reprennent en mars 1927, la SGE ayant cédé sa filiale UHEA (Union Hydro-électrique Armoricaine) à une nouvelle entreprise.

La mise en eau de la retenue commence le 7 août 1929 et l’ouvrage est inauguré en 1930. Sa mise en service a lieu le 1er janvier 1931. Il atteindra sa pleine puissance en 1939.

La construction du barrage de Guerlédan est l’un des éléments moteurs de l’électrification du centre Bretagne. En quelques années toutes les petites villes de la région ont accès à l’électricité.

Cependant, il sonne le glas de la navigation sur le Blavet et de l’exploitation des carrières d’ardoises de la vallée de Guerlédan encore importante en 1925. En quelques années, c’est toute une économie qui va disparaître.