Pas vraiment chou, le chouca couleur cachou. Pas le bienvenu chez les agriculteurs bretons dont il se plaît à boulotter, en bandes organisées, une bonne partie des récoltes. Mal vu aussi par certains ruraux chez qui il provoque des feux de cheminée. Sinon, il est élégant et futé. Bruyant aussi.
Confiné, il n’aurait pas pu. Même une simple « quarantaine » de deux semaines, il n’aurait pas supportée le bel oiseau noir ténébreux. Il vit en bande, tout le temps, même quand il dort ou qu’il s’y prépare. Quand il mange aussi. Et ça, les agriculteurs le vivent de plus en plus mal. Au point de demander avec de plus en plus de force et d’insistance l’autorisation d’intervenir pour limiter le nombre de celui qu’ils considèrent comme un fléau.
Le chouca est en effet protégé depuis 1989. Seules des dérogations délivrées par les préfets sont de nature à calmer un peu la colère des paysans. Un tout petit peu… Parce qu’à leurs yeux, les autorisations d’éliminer quelques centaines de prédateurs de culture par an ne sont pas à la hauteur des ravages qu’ils provoquent. Pour en donner une idée, on se contentera du commentaire d’un agriculteur de Gourin, en mai 2018, après la visite d’une horde de choucas dans ses cinq hectares de maïs : « La culture en place est foutue.
» Résumé autrement, comme Attila pour l’herbe, là où le chouca casse la croûte, le maïs ne repousse pas. Et pas seulement, le maïs. Les pilleurs peuvent aussi venir à bout d’un champ de plants de choux à peine mis en terre. Ils ne détestent pas non plus les petits-pois.
Pour peu que les mêmes paysans découvrent en rentrant chez eux leur maison ravagée suite à un feu de cheminée dû à l’obstruction du conduit par un nid de choucas, on comprend leur envie d’en finir avec le ravageur-incendiaire. « On ne demande pas son extermination, juste sa régulation », plaident-ils depuis longtemps. « Là, y’en vraiment, marre, ras-le-bol », insistent- ils. Lassés qu’ils sont de plaider dans le désert de leurs cultures dévastées, à l’image de cet exploitant des Pays de la Loire : « Sur 25 hectares plantés en maïs, la moitié a été détruite. Et ce n’est pas l’autorisation de supprimer 200 oiseaux qui va changer quelque chose au désastre. »
Petit trapu
Sa détestable propension à ravager les récoltes et sa stupide inclination à nicher dans les cheminées mises de côté, il serait plutôt chouette, le chouca des tours. Il est élégant dans sa livrée noire dont on pourrait penser que les reflets ont été travaillés par Pierre Soulages tant ils sont subtils. Son joli plumage ferait presque oublier qu’il est nettement moins svelte que ses cousins corvidés. Son allure générale assez compacte et ses ailes courtes le distinguent nettement de la corneille noire ou du corbeau freux. Sur la photo de famille, pas d’erreur possible : le chouca, c’est le « petit gros ». Pour ne pas le froisser, on dira le petit trapu. Son bec est aussi le plus court de ceux de la famille.
Là s’arrêtent les différences. Comme tous les autres corvidés, le chouca est futé et il adore les points hauts d’où il domine le paysage. Il kiffe les carrières et les falaises mais aussi les ruines, les châteaux et les allées d’arbres… Il est bruyant aussi et son cri est reconnaissable. C’est le plus aigu de ceux du clan des corvidés.
Ce chant est aussi monogame. Pas plus que le plumage, il ne différencie mâle et femelle, en tous points identiques. Du moins pour nous. Parce que eux, les choucas, font la ou les différence(s). Ils se reconnaissent et quand ils se trouvent, c’est pour la vie. Pas de divorce dans les ménages. Le chouca ne courre pas la gueuse. Pas le temps ni l’envie entre deux boulottages de cultures.