Pas glorieuse en effet, la famille de notre prétentieux volatile. De l’ordre des gallinacés, elle regroupe les ancêtres de la poule et du dindon. Pas vraiment de quoi se la péter. Juste de caqueter ou glouglouter. On a connu mieux pour épater la galerie.
Pour tenter de tromper son monde, le faisan, pas plus haut qu’une poulette, déploie donc sa longue et très belle queue rouge et verte. Un magnifique ornement, à l’image du reste de son plumage très coloré qui le différencie de la poule faisane, plus petite et d’un brun uni beaucoup plus terne. Il lui a tout piqué, on vous dit. Pour compléter leur belle livrée multicolore, certains mâles s’offrent même une seyante collerette blanche autour du cou. Une sorte de nœud pap’ pour l’épate. Un vrai sapeur.
Question vocalises, le ramage n’est pas non plus à la hauteur du plumage. Comme la plupart des gallinacés, le faisan ne chante pas. Il se contente de bruits, de sons variant en fonction de la situation. Pour marquer son territoire, pète-sec, il lance des cris durs et tend son joli cou. Pendant la période de reproduction, il siffle sa poule avec des cris rauques et puissants.
Et ça marche si l’on en juge par le nombre de ses conquêtes. Le faisan est en effet généralement polygame. Pour pécho ses poules brunes, il ajoute à ses cris une parade au cours de laquelle il se redresse et déploie ses ailes. Il n’est pas rare qu’un « costaud » s’octroie un harem de cinq à six poules après avoir triomphé de ses rivaux au cours de duels singuliers.
Polygame
Sitôt la chose faite, en parfait macho, le faisan frimeur abandonne sa belle. En vrai gentleman, il ne lève pas le moindre ergot pour l’aider à construire le nid.
Elle en choisit seule l’emplacement et les matériaux : à même le sol, caché dans la végétation et fait de brindilles et d’herbe. Toujours seule, elle y pondra une dizaine d’œufs qu’elle couvera pendant trois semaines. À peine nés, les petits
« nidifuges » sont capables de sortir du nid, de se déplacer pratiquement comme des adultes. Ils sont néanmoins protégés et réchauffés par leur mère jusqu’à l’âge de 4 à 6 semaines selon la rigueur des conditions climatiques. La poule et ses jeunes forment une compagnie qui reste soudée jusqu’en fin d’été, pendant deux à trois mois, malgré de possibles rassemblements ou échanges entre certaines d’entre elles.
Très dégourdis, les faisandeaux font feu de tout leur bec. Pour assurer leur croissance, il picorent pratiquement tout ce qu’ils trouvent sur le sol :
larves, vers, fourmis, sauterelles, papillons, petits mollusques… Tout fait ventre !
Et puis, vers cinq ou six semaines, l’âge de raison approchant et leur abonnement à « Vegan magazine » aidant, ils deviennent (presque) végétariens. La carte de leurs repas n’est alors à 90 % que graines de céréales, fruits, bourgeons, fleurs, jeunes pousses et autres baies.
Un oiseau paisible donc, dont on ne comprend pas forcément pourquoi le nom est souvent attribué à quelqu’un de malhonnête, malsain, corrompu. Pas compliqué. Le faisan étant un gibier très apprécié, il se consomme « faisandé ».
C’est même indispensable selon « La cuisinière de la campagne et des villes » (Louis-Eustache Audot), publié à la fin du XIXe siècle. « Si le faisan n’a pas été faisandé jusqu’à ce que son ventre change de couleur, il n’a pas plus de fumet que la poule de basse-cour. »
La boucle est bouclée : jusqu’au bout le faisan se refuse à n’être qu’une poule.