« En mars, quand le merle siffle, l’hiver s’en est allé », souffle le dicton. Alors, réjouissons-nous avec lui. Sifflons pour célébrer le printemps. Comme le merle, il est beau le printemps, qui donne un si bel éclat à son si seyant plumage noir.
D’entrée, précisons que la superbe livrée noir-luisant mettant admirablement en valeur le bec et les contours d’yeux d’un magnifique jaune (très subtilement orangé), est réservée au mâle. Comme souvent, dame nature a en effet choisi de soigner la tenue de monsieur. La merlette n’a été vêtue par l’ingrate machiste que d’un plumage passe-partout beaucoup plus terne : de couleur terre (brun-roux) avec des taches brun-roussâtre sur la poitrine dont on ne nous dit même pas si elle l’a généreuse. Pareil pour le bec, le classieux jaune-orangé de monsieur cède la place chez madame à un fadasse jaune brunâtre. Qu’importe. Pour elle, point besoin d’artifices, de trompe-couillon. La beauté de la merlette est tout intérieure, la seule qui compte comme chacun sait. Son plumage lui sied, donc. Elle laisse à monsieur le pavanage.
Peut-être simplement parce qu’elle n’a guère le choix. Pas facile en effet, ni forcément très judicieux, de bosser en costard noir. Et comme trop souvent, pour ne pas écrire « comme d’hab’ », la bosseuse du foyer, c’est madame. Son plumage fait donc office de bleu de travail. Notamment lors de la construction du nid qu’elle assume, bien évidemment, seule. Sous le regard vide de monsieur sirotant force champ’ (costard oblige), elle maçonne boue, brins d’herbe, feuilles et mousse avec talent et détermination. En forme de coupe ouverte, elle a choisi l’emplacement du logis douillet avec soin : bien à l’abri dans des haies ou buissons.
« Melody-merle »
Entre deux et cinq fois par an, elle y pondra de trois à cinq œufs verdâtres tachetés de sombre. Pendant la couvaison d’une quinzaine de jours, monsieur assume une part minime du boulot. Il fait semblant. Il se montre plus coopératif pour nourrir les petits. Pendant deux semaines, le couple assure leur ravitaillement en vers, larves et insectes. Un menu « enfant » que les parents enrichissent, quand ils dînent en amoureux, de petits invertébrés. Sans oublier les baies et fruits qu’ils affectionnent pas seulement en dessert. Notamment ceux qu’ils trouvent auprès de nos maisons.
Tous deux les fréquentant volontiers, c’est aussi souvent aux alentours de nos logis que le merle séduit la merlette. Monsieur, toujours en costard noir, s’y prend assez tôt dans l’année. Sûr de son charme, dès février, en même temps que la fin de l’hiver, il siffle, à l’aube, son amour à sa belle. Il siffle et se la pète à mort en relevant sa queue en un bel éventail. Dans le même mouvement, il rentre la tête dans les épaules pour se transformer en une boule noire dont ressort le bec jaune éclatant. Et souvent, ça marche, le frimeur pecho. Conquise, madame, l’œil allumé, gonfle le plumage de son cou en même temps que celui de son croupion. Tranquillou, elle se la joue un peu.
À sa décharge, sans rien savoir de sa beauté intérieure, reconnaissons que le merle dispose de sérieux atouts apparents : ils en jettent, ils envoient du lourd, son costard et ses attributs jaunes. Et ils sont du même métal rare que son admirable chant. Il ne siffle pas, le merle, il mélodise. Sur tous les registres. Tendre, séducteur, moqueur, agressif, alarmiste, il sait tout dire joliment. En trois mots, tout est dit : siffle beau merle ! En franglais, deux suffisent :
« melody-merle ».