Il n’est pas réellement méchant, plutôt trouillard, même. Mais quand il s’en prend à vos plantations, on comprend que ça ne vous plaise que… modérément. Parce que c’est une sacrée charrue, le sanglier. Une sorte de gros bourrin de laboureur qui ne fait pas dans la dentelle.
La simple appellation du bout de son gros nez suffit à donner la mesure du bestiau et de ses capacités dévastatrices : le boutoir ! Un bel outil excavateur, vissé au bout d’une énorme tête, elle même plantée sur un corps robuste et trapu. Haut d’environ 1 m, la charrue sur pattes mâle peut mesurer jusqu’à 1,85 m de long. Et afficher 300 kg (135 kg de moyenne) sur la balance.
Pas de faux semblant donc, elle annonce la couleur d’entrée, sa morphologie : je suis costaud et j’adore fouiller la terre. Pas pour embêter le monde, juste pour trouver de quoi manger et pour le plaisir de labourer. C’est chouette de tracer son sillon sans se soucier de sa rectitude. Le sillon du sanglier est comme lui, libre : jamais droit, plus ou moins profond, jamais continu. Il laboure au boutoir hasardeur. Il explore au gré de ses envies. Jamais rectiligne, toujours dévastateur.
Comme pour signifier que son équipement naturel est issu du même tonneau que sa morphologie, le râblé campagnard aux petites pattes courtes mais costaudes se plaît à exhiber ses canines inférieures transformées en redoutables défenses. De jolies armes efficaces qu’il frotte régulièrement contre ses canines du haut (les grès) afin d’en maintenir l’affûtage.
Le mâle, bagarreur par nature, est en outre doté sur les flancs d’une épaisse couche (4 cm) de cartilage. Une sorte de côte de maille interne qui le protège lors des rudes et inévitables duels ponctuant les périodes de rut. Dans le même registre, la crinière ornant le sommet de son dos contribue à asseoir la virilité affichée du coureur de laies. Constitué de longues soies brunes, la fière houppette peut atteindre une quinzaine de centimètres en période hivernale.
Un souillon
Domicilié principalement dans les forêts (feuillus ou mixtes), notre ami aime aussi folâtrer dans les champs, les prairies voisines des bois et des roselières. La nuit, il pionce dans sa bauge. Un endroit sec, abrité du vent et dissimulé dans d’épais et profonds fourrés. Un sympathique logement à ne pas confondre avec la souille, la cuvette de boue où il se roule ponctuellement pour se débarrasser de ses parasites. Il ne gratte pas les importuns, il les embouillasse.
Côté nourriture, comme son cousin cochon domestique, le sanglier est omnivore mais d’abord végétarien. Il kiffe particulièrement les glands, faines et châtaignes… mais goûte aussi avec appétit aux pommes de terre, maïs et autres céréales au grand dam du paysan qui les a menés à maturité après un labourage méticuleux. C’est pas un bourrin, lui. Pas un sagouin. Les repas « viandeux » du dévastateur son faits le plus souvent de cadavres d’animaux, larves d’insectes, lombrics, petits rongeurs, oiseaux nichant à terre, lézards… Il aime bien varier son picorage fouisseur.
Concernant la bagatelle, dès l’âge d’un an, sieur sanglier court la laie de septembre à mars, avec un pic d’assiduité de novembre à janvier. Il court mais ne conclut que quand le mâle dominant lui cède la place… ou sur un malentendu. 115 jours plus tard, madame laie donne naissance à une portée de quatre à sept petits et jusqu’à dix pour les plus vieilles qui sont aussi les plus fécondes.
Le bébé marcassin est sevré et donc autonome dès trois ou quatre mois. Mais il a la décence d’attendre encore un peu avant que son nez devienne soc et ses pattes charrue. Il a du savoir vivre en quelque sorte, il donne du temps au paysan laboureur avant de lui montrer de quoi est capable une charrue-bourrin !