La Bretagne une terre de pardons ! Chaque année, du milieu du printemps au début de l’automne, on en compte plus d’un millier. Habitants, pèlerins ou touristes… Ils seront encore nombreux à participer à ces pèlerinages, festifs ou solennels, aussi divers que les 800 saints bretons.
De mai à octobre, alors que les touristes devraient une nouvelle affluer en nombre sur les terres bretonnes, cantiques et litanies vont s’élever vers le ciel armoricain. Habitants, pèlerins et touristes vont se mêler dans des processions colorées où hommes et femmes, parfois en costume traditionnel, hisseront bannières, croix, reliques ou encore statues de saints… En Centre Bretagne, comme dans l’ensemble de la région, les pardons constituent en effet une spécificité du folklore local. Mais ils expriment aussi la foi, la piété et la dévotion du peuple breton envers ses saints protecteurs.
Pour Bernard Rio, auteur du livre « Pardons de Bretagne », cette région est le pays des pardons. « Depuis des temps immémoriaux, chaque année les hommes se rassemblent autour des 6 000 chapelles qui maillent le paysage et la culture de la Bretagne. Défiant les modes, ils y célèbrent 800 saints légendaires dotés de pouvoirs mystérieux et avec lesquels ils entretiennent des relations bien particulières. Davantage qu’un pèlerinage, le pardon breton mélange la fête religieuse et la foire profane. Les pardonneurs se prêtent à des rites et à des pratiques que l’Église a parfois, mais en vain, tenté d’interdire au cours des derniers siècles », explique-t-il.
Si certains voient dans le pardon une origine celtique, c’est à partir du XVe siècle qu’ils se développent véritablement. La construction de nombreuses églises et chapelles permet d’ailleurs l’organisation de ces premiers pèlerinages. Entre messes solennelles et processions, ils visent à obtenir le pardon des péchés, à bénéficier d’indulgences (remises de peine inventées par l’Église pour abréger le temps de purgatoire), à exécuter un vœu ou encore à demander des grâces.
Traditions ancestrales
Ces traditions religieuses ancestrales trouvent aujourd’hui un regain grâce notamment au rôle de nombreuses associations. Si une grande majorité des pardons organisés en Centre Bretagne, demeure des « petits pardons », certains attirent chaque année plusieurs milliers de personnes. C’est notamment le cas de celui de Quelven, à Guern (page 8) ou de celui de Querrien, à La Prénessaye (page 10).
« À la fois religieux et profane, chrétien et païen, acte de piété individuelle et manifestation communautaire », le pardon demeure un élément bien vivant du patrimoine breton. Une spécificité régionale qui a incité l’association Bretagne Culture Diversité à s’engager dans un vaste travail de recensement en vue d’une inscription à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel (pages 6 et 7).
Pardons et pèlerinages en Bretagne : vers une inscription à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel
Inscrire les pardons et les pèlerinages de Bretagne à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel… Tel est, à terme, l’objectif de l’inventaire régional lancé par l’association Bretagne Culture Diversité. Explications par la responsable du secteur inventaire du patrimoine culturel immatériel et promotion de la diversité culturelle, au sein de l’association, Julie Léonard.
Comment est née l’idée d’un inventaire des pardons et pèlerinages de Bretagne ?
Dans le cadre de sa mission régionale d’inventaire du patrimoine culturel immatériel, l’association Bretagne Culture Diversité réalise depuis décembre 2015 un inventaire participatif en Centre Bretagne, en partenariat avec le pays du Centre Ouest Bretagne. Les pardons, par leur nombre et leur diversité, sont apparus comme un élément très vivant de ce qui fait patrimoine pour les habitants.
C’est à partir de ce constat que vous avez décidé de lancer un inventaire des pardons et pèlerinages à l’échelle de la Bretagne ?
Absolument. Dès l’été 2017, nous avons lancé un travail sur le sujet avec l’objectif de répertorier, par le biais de la réalisation d’une fiche d’inventaire spécifique, les pardons et pèlerinages bretons à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Il est géré par le département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique du ministère de la Culture.
Le projet semble avoir rapidement dépassé le cadre du simple inventaire ?
À la fin de l’année 2017, parallèlement à cette initiative, Gwénaëlle Gouzien, conseillère municipale déléguée au patrimoine et aux métiers d’art à la ville de Quimper, a lancé une réflexion sur la possibilité d’inscrire les pardons et pèlerinages sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. L’initiative a été saluée par différents partenaires et l’association Bretagne Culture Diversité a été chargée de mettre en place et de coordonner cet inventaire régional des pardons et pèlerinages, sous la forme d’un recensement exhaustif des processions existantes sur les cinq départements de la Bretagne historique.
Comment avez-vous géré le changement de dimension du projet ?
Une première réunion régionale des différents acteurs à laquelle participaient également bénévoles de comités de chapelles, élus, hommes d’Église et universitaires, a été organisée en avril 2018, à Langoëlan, où le maire porte un projet culturel et touristique autour des chapelles et pardons de la commune. À l’issue de cette réunion, un questionnaire a été formalisé et envoyé à l’ensemble des mairies. Les questions portent aussi bien sur les aspects cultuels que culturels et festifs, ou encore sur les aspects logistiques et financiers.
Quel est le calendrier de ce projet d’inscription à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel ?
C’est un projet aussi important que passionnant. Tout au long de cette année 2019 nous allons récolter le maximum de questionnaires et analyser les premiers résultats. Ils feront, par la suite, l’objet d’un travail de valorisation. La fiche d’inventaire devrait être déposée auprès du ministère de la Culture dans le courant de l’année.
Bretagne Culture Diversité : une association aux multiples missions
Bretagne Culture Diversité est une association de promotion et de diffusion de la matière culturelle de Bretagne et de la diversité culturelle à l’échelle des cinq départements de la Bretagne historique.
Composée de huit permanents, ses principales missions sont : vulgariser, diffuser la matière culturelle et les savoirs de Bretagne ; réaliser un inventaire permanent du patrimoine culturel immatériel (PCI) breton ; promouvoir la diversité culturelle ; favoriser l’accessibilité et valoriser les contenus culturels et scientifiques relatifs à la Bretagne par le biais des technologies de l’information et de la communication.
Contact : www.bcd.bzh
Facebook : Bretagne Culture Diversité / Sevenadurioù
Notre-Dame de Quelven à Guern : un peu plus près des anges
À Guern, la chapelle Notre-Dame de Quelven a l’envergure d’une basilique ! Ici, c’est d’ailleurs comme cela qu’on appelle cet édifice érigé à la fin du XVe siècle. Chaque année, le 15 août, elle accueille un pardon marqué notamment par la descente d’un ange pyrophore, qui attire des milliers de fidèles.
28 mètres de long et 70 mètres de haut avec sa flèche de pierre ! Dans le petit hameau de la commune de Guern, la chapelle Notre-Dame de Quelven impressionne. Construite à la fin du XVe siècle dans un style gothique flamboyant, elle dévoile dentelles de pierre, ornements et gargouilles. L’intérieur de la basilique, avec son granit blanchi à la chaux et son vaisseau en bois, renferme aussi de nombreuses richesses. Outre un orgue baroque, l’une des plus importantes et des plus anciennes demeure la Vierge ouvrante. Un triptyque en bois polychrome qui relate la vie du Christ.
La légende raconte que la Vierge Marie voulait un sanctuaire à son nom en Centre Bretagne. Elle aurait envoyé une boule de feu pour choisir le lieu de construction de l’édifice. Celle-ci aurait donc terminé sa course, ici, à Quelven, dont le nom signifie « enclos blanc », en breton. Un premier miracle qui s’est doublé d’une concession d’indulgences octroyée par le pape Nicolas V.
Concrètement, il attribuait une remise de peine sur le temps passé en purgatoire, entre le paradis et l’enfer, à toute personne qui se rendait au pardon de Notre-Dame de Quelven, à l’Assomption.
Descente de l’ange pyrophore
Il n’en fallait pas davantage pour assurer le succès de ce pèlerinage qui drainait plus de 30 000 personnes au XIXe siècle. Une affluence qui nécessita même la construction d’une « scala santa », le « saint escalier »
gravi par Jésus lors de son jugement par Ponce Pilate et qui servait à accueillir le grand nombre de fidèles pour le pardon, occasion pour laquelle la chapelle n’était pas assez grande.
En 1837, le clocher qui est alors l’un des plus hauts de Bretagne, s’écroule. Il ne résiste pas aux carillonnements des deux lourdes cloches qui avait été posées deux ans plus tôt. Reconstruit, sa hauteur sera finalement réduite d’une douzaine de mètres par souci d’économie et de stabilité. C’est de là, que, chaque année pour le pardon, l’ange pyrophore descend du ciel. Glissant le long d’une corde de 160 mètres, tendue entre le clocher et un poteau situé dans un champ, l’ange muni d’un cierge à la main va enflammer le bûcher. Un feu de joie qui clôt le pardon en mettant des étoiles dans les yeux des fidèles.
Pardon de Querrien à La Prénessaye : le petit Lourdes breton
Seul lieu d’apparition de la Vierge Marie authentifié en Bretagne, le sanctuaire marial de Querrien, à La Prénessaye, est aujourd’hui un haut lieu de pèlerinage. Chaque année, le 15 août, il rassemble des milliers de personnes.
En 574, Colomban et douze compagnons irlandais débarquent sur les côtes du pays que l’on appelle désormais « la Bretagne ». D’après la légende, l’un d’eux, Gall, fonde un ermitage à Langast. Puis, il vient à Querrien où il fait jaillir une source « afin que les gens puissent y pétrir du pain ». Gall sculpte une statue de la « Vierge à l’Enfant » et la place dans un oratoire en bois. L’oratoire devient chapelle mais cette dernière s’écroule et la statue est perdue.
Le 15 août 1652, Jeanne Courtel, petite bergère sourde et muette âgée 11 ans, garde ses moutons dans le pré dit Les Fontenelles. Soudain, elle aperçoit au-dessus du sol près de la fontaine, portée par un nuage lumineux, une femme vêtue de blanc, la tête entourée d’une brillante auréole. Et tout à coup, pour la première fois depuis sa naissance, la petite Jeanne Courtel perçoit le son d’une voix qui lui demande un de ses moutons. Pour la première fois également, elle articule quelques mots. Miraculeusement, l’enfant a retrouvé l’ouïe et la parole. Elle fait part à ses parents de la volonté de la Dame de « chercher dans la Mare Saint-Gall ». La statue de la « Vierge à l’Enfant », taillée par Saint-Gall, et conservée en bon état depuis mille ans par les eaux de la source, est alors découverte. Dans les jours qui suivirent, la Dame lui manifesta également le désir qu’une chapelle soit construite au centre de Querrien pour qu’on vienne y prier en foule.
La bergère inhumée dans le chœur
En septembre de cette même année 1652, Mgr Denis de La Barde, évêque de Saint-Brieuc, authentifie l’apparition. Le 20 septembre la première pierre de la chapelle est posée. Sa construction se poursuivra jusqu’en 1656. Le chœur fut placé sur le lieu même de la découverte de la statue. À sa mort en 1703, Jeanne Courtel y fût inhumée.
Très vite, les pèlerins furent chaque année plus nombreux à demander la protection de la Dame de Querrien, honorée dès le départ sous le vocable de Notre-Dame de Toute Aide. En 1779, la chapelle dut même être agrandie pour recevoir les foules qui s’y pressaient.
Aujourd’hui, ce haut lieu de pèlerinage, qualifié de « petit Lourdes breton » accueille deux grands pardons : le 15 août et le 2e dimanche de septembre.
L’agenda des pardons
De mai à septembre, de nombreux pardons seront célébrés en Centre Bretagne. Nous vous proposons une liste non exhaustive.
Mai
5
• Saint Brieuc des Bois à Merdrignac.
• Saint Drédeno à Saint-Gérand.
12
• Saint André à Cléguérec.
• Saint Salomon à Guern.
• Sainte Tréphine à Saint-Aignan.
19
• Le Gohazé à Saint-Thuriau.
• Saint Yves à Saint-Gilles-Vieux-Marché.
• Sept saints du tro breizh à Kergrist.
• Saint Patern à Malguénac.
• La Madeleine à Melrand.
26
• Saint Gildas à Bieuzy.
Juin
2
• Saint Meriadec à Pontivy.
• Saint Gildas à Cléguérec.
• Saint Zenon à Séglien.
• La Trinité à Bieuzy.
• Saint Guen à Saint-Barthélémy.
• Saint Lubin à Bignan.
9
• Saint Gildas à Saint-Connec.
10
• Sainte Brigitte à Évellys-Naizin.
• Saint Gildas à Pluméliau-Bieuzy.
15
• Saint Pabu à Guerlédan-
Saint-Guen.
23
• Saint Jean à Guerlédan.
• Saint Pierre-Saint Paul à Neulliac.
30
• Sainte Brigitte à Merdrignac.
• Saint Jean à Guern.
• Saint Jean à Le Sourn.
• Sainte Noyale à Noyal-Pontivy.
Juillet
7
• Sainte Suzanne à Guerlédan.
• Saint Merléoc à Guern.
• Saint Éloi à Neulliac.
• Saint Aignan à Saint-Aignan.
• Saint Jean à Séglien.
• Saint Hilaire à Pluméliau-Bieuzy.
• Guelhouit à Melrand.
• Sainte Noyale à Bignan.
14
• Saint Udy à Le Mené-Plessala.
• Saint Éloi à Guern.
• Notre Dame de Lorette à Séglien.
• Saint Gonnery à Saint-Connec.
• La Madeleine à Pluméliau.
21
• Le Roz à Neulliac.
• Saint Germain à Séglien.
• Sainte Prisce à Melrand.
• Saint Thuriau à Saint-Barthélémy.
• La Madeleine à Remungol-Evellys.
28
• Sainte Anne à Le Cambout.
• Sainte Anne à Bréhan.
• Sainte Anne de Boduic à Cléguérec.
• Saint Étienne à Malguénac.
• Saint Samson à Neulliac.
• Saint Arnoult à Noyal-Pontivy.
• Locmaria à Melrand.
Août
4
• Saint Bédic à Malguénac.
• La Houssaye à Pontivy.
• Saint Nicodème à Pluméliau-Bieuzy.
11
• Le Moustoir à Malguénac.
• Notre Dame de Carmes à Neulliac.
• Saint Ivy à Pontivy.
• Notre Dame de Bon encontre
à Rohan.
• Saint Laurent à Silfiac.
• Saint Laurent à Melrand.
• Les Fontaines à Bignan.
15
• Querrien à La Prenessaye.
• Notre Dame de Quelven à Guern.
• Notre Dame de la Ferrière
à Les Moulins.
• Notre Dame de Lorette à Le Quillio.
18
• Sainte Philomène à Merdrignac.
• Saint Ignace à Saint-Aignan.
• Saint Christophe à Bignan.
25
• Saint Élouan à Guerlédan.
• Sainte Tréphine à Pontivy.
• Notre Dame de Lorette
à Le Cambout.
• Saint Louis à Le Mené.
• Notre Dame des neiges de Locmaria à Cléguérec.
• Saint Gilles à Guern.
• Saint Fiacre à Radenac.
• Saint Mathias à Saint-Thuriau.
• La Ferrière à Pluméliau-Bieuzy.
• Saint Fiacre à Saint-Barthélémy.
Septembre
1er
• Les Treize Chênes à Trémorel.
• Le Ménec à Trévé.
• Saint Gilles à Saint-Gilles-Vieux-
Marché.
• Sélédin à Plussulien.
• Saint Éloi à Kerfourn.
• Saint Gilles à Kergrist.
• Saint Samson à Bieuzy.
• Saint Adrien à Saint-Barthélémy.
8
• Notre Dame de Joie à Pontivy.
• Querrien à La Prenassaye.
• Saint Gildas à Malguénac.
• Locmaria à Séglien.
• Saint Rivalain à Melrand.
15
• Saint Cornély à Malguénac.
• Kerhéro à Moustoir-Ac
29
• Saint Michel à Le Sourn.