Connu et reconnu bien au-delà du Centre Bretagne, Marie Guerzaille a l’humour communicatif. Si à 57 ans il continue d’écumer les scènes, sa fille, la Guerzaillette, et son fils, le Guerzaillou, ont choisi de suivre le même chemin. Ils proposent désormais chacun leur spectacle. Et ça marche.
Le hasard écrit parfois de belles histoires. Celle de Jean-Loïc Le Marchand est de celles-là. L’exploitant agricole de Saint-Caradec qui n’a pas 30 ans, est plutôt un timide. Alors forcément lorsqu’un soir d’hiver, au début des années 80, on lui demande de remplacer son beau-frère et de jouer un petit rôle dans la pièce d’une troupe de théâtre de Saint-Thélo, le jeune homme hésite. Mais il accepte. Et c’est la révélation. « Je me suis découvert, reconnaît-il aujourd’hui. Je devais dire quatre phrases, j’en ai dit au moins dix fois plus. » Il intègre immédiatement la troupe et deviendra même président de l’association.
Quelques années plus tard, un soir de février 1987, c’est encore le hasard qui va lancer la carrière de cet acteur qui n’est encore qu’amateur. La troupe refuse d’aller jouer à Saint-Guen. Jean-Loïc a donné sa parole, il la tiendra. Seul sur scène, il interprète des sketches d’humoristes connus et quelques textes qu’il a écrits. L’accueil est enthousiaste et sa décision irrévocable : désormais, il jouera seul sur scène.
Plus d’un million de spectateurs
Il se lance dans l’écriture et donne vie à des personnages comme Joseph Reniflard, le facteur, ou à des lieux comme le village de Kerbistou. Au fil des années, ils deviendront le fil rouge d’un spectacle sans cesse renouvelé. Secondé en régie comme en coulisse par son épouse Christine, il se produit dans les salles de la région. Le succès est, à chaque fois, au rendez-vous. « Je pense qu’il s’explique par ma simplicité, admet-il. Je fais partie du monde rural et je le respecte. En évoquant des sujets de la vie quotidienne, je défends la ruralité. Surtout, je ne suis jamais vulgaire car s’est trop facile d’être au-dessous de la ceinture ou agressif. » Et cet humour que certains qualifient, avec une condescendance certaine, de « rural », s’exporte bien. Et même très bien. Depuis presque trois décennies, Marie Guerzaille a ainsi joué dans 27 départements du grand ouest et totalise aujourd’hui plus d’un million de spectateurs ! Mais l’exploitant agricole qu’il est toujours, n’a pas changé. « Quand il faut travailler le lundi matin après avoir joué devant 2 500 personnes le week-end, on revient vite à la réalité, tempère-t-il. Je ne suis pas du genre à avoir les chevilles qui gonflent. D’ailleurs si c’était le cas, je ne pourrais plus mettre mes bottes. »
Respectivement âgés de 33 et 26 ans, Sandrine et David, les deux enfants du couple Le Marchand, ont forcément baigné dans cette atmosphère dès leur plus tendre jeunesse. « Pour des enfants, c’était magique. Nous adorions le suivre en tournée et l’aider à se maquiller ou à s’habiller », se souviennent-ils. Mais l’un comme l’autre ne vont pas se contenter très longtemps du rôle de spectateur. L’envie de brûler, eux aussi, les planches, les titille forcément. Mais même si le ridicule ne tue pas, il ne s’agit pas de se louper car Marie Guerzaille a tout de même placé la barre très haut !
Pendant trois ans, ils vont donc se préparer. Aider par leurs conjoints respectifs, Cédric et Sabrina, il vont ainsi peaufiner les sketches et inventer une machinerie parfois très sophistiquée. Quant à leur nom de scène, la filiation l’impose : pour Sandrine ce sera La Guerzaillette et pour David, Le Guerzaillou.
Ici, le « made in chez moi » est la règle de base. Surtout, depuis que les deux jeunes humoristes ont décidé de se consacrer exclusivement à la scène en quittant définitivement leurs activités professionnelles de secrétaire et de commercial. Mais si l’écriture demeure un exercice solitaire, la tribu se reforme immédiatement lorsqu’il s’agit de tester les créations. « Et ce n’est pas le plus facile car les jugements sont sans concession », expliquent-ils en chœur.
Si leurs spectacles respectifs sont forcément frappés de la marque de fabrique déposée au fil des années par Marie Guerzaille, chacun a su évoluer avec ses spécificités. Et là encore, pour l’une comme pour l’autre, le succès est au rendez-vous.
« Mépris des cultureux »
Chaque week-end, au volant de leurs semi-remorques respectifs, qui contiennent chacune plusieurs tonnes de matériel, les trois artistes et leurs conjoints prennent des routes différentes pour honorer leurs contrats. Compte tenu de la demande, ils peuvent même se permettre le luxe de choisir les associations pour lesquelles ils souhaitent jouer. Il est vrai que ces dernières savent qu’elles feront quasiment à chaque fois salle comble et qu’il faudra même souvent rajouter une séance.
Pour Marie Guerzaille, depuis déjà très longtemps ; pour la Guerzaillette et le Guerzaillou depuis moins de temps… Le succès populaire est évident. Mais ils ne parviennent pas pour autant à se détacher d’un préjugé qui a la vie dure.
« Visiblement nous n’appartenons pas au monde de la culture, regrettent-ils. Même si nous remplissons les salles, il y a une espèce de mépris des «cultureux» à notre égard. »
Si les trois humoristes en souffrent sans doute un peu, cela ne les empêche assurément pas de continuer de travailler et de faire évoluer leurs spectacles. « Nous sommes là pour apporter du bonheur et du sourire aux spectateurs » résument-ils. Et les spectateurs peuvent être rassurés car la famille n’est sans doute pas près de s’arrêter. La fille de la Guerzaillette, Laura, qui n’a encore que huit ans, participe en effet déjà aux spectacles de sa maman avec une assurance déconcertante. Décidément, l’esprit Guerzaille se transmet de génération en génération. Et le rire suit…