L’automne et l’hiver sous la chaleur africaine, le printemps et l’été sous le soleil de nos contrées…  Pas folle l’hirondelle rustique. Mais si on nous demandait de faire les mêmes voyages à pied ou à la nage, pas sûr qu’on continue à envier le bel oiseau qui, lui, voyage à tire d’aile.

C’est vrai qu’elle est belle et sacrément racée, l’hirondelle de chez nous, celle qualifiée de « rustique » qui, seule, n’annoncerait pas le printemps. Sous entendu, « à plusieurs, oui ». Si on a choisi d’en parler, c’est que leur venue, au pluriel, c’est pour bientôt. Eh oui, dans quelques jours, c’est le printemps.

Depuis plusieurs jours, les premières se sont mises en route vers chez nous. Les doigts des pattes en éventail dans la chaise longue de leur lodge africain, elles attendaient que le thermomètre hexagonal atteigne les 10°. Pas question de prendre l’air avant. En dessous des 10°, elles ne trouvent pas d’insectes à grignoter. En plein vol, bien sûr, car sur leurs parcours les restaus d’autoroute sont rares.

En ce moment, quelques unes sont sur le bord nord de la Méditerranée. Elles vont y prendre leur élan pour traverser toute la mer. À la seule force de leurs petites ailes. Au total les plus aventureuses effectueront plus de 10 000 km dont la plupart sans halte pipi ou pause casse-croûte. Oui, 10 000 bornes pour retrouver leur chez-elles… chez nous. Pile-poil Ici et là que nombre d’entre-nous n’apprécient pas plus que ça.

Ne dites pas le contraire, chaque été vous prenez voiture, train, avion ou bateau pour aller bronzer ailleurs. Et souvent précisément là d’où sont parties les belles hirondelles pour venir ici.

Casser la croûte peinard…

Mais puisque c’est si bien là-bas, sur le bord nord de l’équateur, au Cameroun, au Gabon, ou en Centrafrique, pourquoi prennent-elles tous les ans leurs vacances chez nous, les jolies flèches bleu-noir à la jolie queue fourchue ? Simplement parce que l’été, elles sont mal barrées dans leur beau boubou. Bien sûr, il y a des insectes à foison, mais aussi 37 espèces d’oiseaux concurrents auxquels s’ajoutent nombre de bestioles insectivores. Bref, il leur faudrait sacrément jouer des coudes (si, si, leurs ailes en ont) pour avoir droit à leur part du festin.

Alors, elles retournent d’où elles sont venues. Chez nous. Là où la nourriture est, certes, moins généreuse, mais beaucoup plus facile d’accès et largement suffisante.

À leur arrivée, la concurrence joue bien un peu quand toutes veulent récupérer un ancien nid, toujours plus facile à restaurer qu’à construire entièrement. Mais les disputes restent polies, urbaines. Rien à voir avec les féroces bagarres auxquelles elles auraient dû se livrer aux abords de leur lodge.

Simplement pour casser la croûte.

Ici, leur plus gros boulot reste la construction du nid. Souvent dans des garages, granges ou étables dont elles garnissent les dessous de toit de brindilles sèches cimentées à l’aide de boulettes de boue machouillées en petites boules prêtes à l’emploi. Un chantier d’une grosse semaine au terme duquel, l’hirondelle méritante emménage dans son studio breton d’une vingtaine de centimètres de diamètre et 11 de profondeur.

Un chez-soi toujours situé à proximité d’une zone humide, indispensable pour se procurer la boue de construction et les insectes du garde-manger.

Et c’est encore cette proximité humide, notamment celle des roselières, que rechercheront les belles migratrices, fin septembre, quand l’heure du retour aura sonné. Là, elles feront le plein d’énergie en chassant tout le jour les précieux insectes. Une fois leur réserve de quelques grammes de graisse constituée, elles s’aligneront une dernière fois sur un fil où une gouttière avant de mettre le cap sur le Gabon ou le Cameroun.  Mais pas en classe affaires. À tire d’aile !