Millefeuille territorial, émiettement communal, enchevêtrement des compétences… Les expressions ne manquent pas pour dénoncer l’organisation territoriale du pays ! Et si, plus que la volonté politique, les contraintes budgétaires parvenaient à la réformer ?

De l’État à la commune, en passant par la région, le département, le pays ou encore la communauté de communes, le millefeuille ter- ritorial à la française apparaît comme une exception dans l’Union Européenne. Une exception stigmatisée de tous côtés, régulière- ment dénoncée, mais finalement jamais véritablement réformée. Certes, les tentatives n’ont pas manqué ! À chaque fois pourtant, face au conservatisme de baronnies locales, les réformateurs ont dû remiser leurs espoirs dans le casier des douces utopies. Aujourd’hui toutefois, dans le domaine de l’organisation territo- riale, l’heure semble être aux réformes… Deux lois, l’une portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République et l’autre visant à améliorer le régime de la commune nouvelle, devraient quelque peu changer la géographie administrative des territoires. L’évidence aurait-elle fini par s’imposer après des décennies de renoncements ?

Mariage d’argent ?

On pourrait être tenté de le croire ! Sauf que… plus qu’une volonté de simplification par la suppression réelle de certains échelons, le législateur semble plutôt avoir été guidé par la rigueur budgé-

taire. Dans les deux cas, les lois prévoient en effet des incitations financières. Les communes nouvelles préserveront leurs dotations pendant trois ans. Pour peu qu’elles dépassent le seuil de 50 000 habitants, avec une ville centre de plus de 15 000, les communau- tés de communes pourront se transformer en communauté d’ag- glomération et bénéficier d’une dotation plus conséquente. Entre le maintien, voire l’augmentation des dotations de l’État, et les éco- nomies d’échelle espérées par les fusions et les regroupements, les finances des collectivités pourraient donc s’en trouver revigorées. Très vite, ces mariages de raison devraient également s’accompa- gner de la suppression d’un échelon. Ce sera notamment le cas dans les Côtes d’Armor puisque le territoire de la nouvelle Cidéral épousera les contours de l’actuel pays Centre Bretagne. Du coup, ce dernier devrait disparaître et être absorbé par la première.

Dans le Morbihan, il faudra encore patienter. Si certains ont pu militer pour une communauté de communes à l’échelle du pays de Pontivy, celui-ci en comptera encore deux, contre quatre au- jourd’hui. Étape nécessaire avant une union plus large, pour les uns ? Occasion historique manquée de bâtir une communauté d’agglomération, pour les autres ? L’avenir se chargera de trancher.

 

Communautés de Communes, le Temps du Regroupement

De sept aujourd’hui, le nombre de communautés de communes dans le Centre Bretagne va passer à trois, à compter du 1er janvier 2017. Une obligation législative diversement vécue par les élus du territoire.

Depuis le vote d’une loi portant sur la création des communautés de communes, en 1992, les règles qui régissent la coopération intercommunale n’ont cessé d’évoluer. Régime juridique, compé- tences ou encore territoire… elles ont dû s’adapter aux diverses modifications de la législation. Et elles vont encore devoir le faire le 1er janvier 2017, pour se conformer à une nouvelle loi, promulguée en août dernier : la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République).

Si le texte porte également sur les nouvelles compétences de la région ou encore l’amélioration de la transparence, celles concer- nant le renforcement de l’intercommunalité vont se traduire très concrètement dans le Centre Bretagne. En effet, l’article 33 a relevé le seuil minimal de constitution d’une communauté de communes en le portant de 5 000 à 15 000 habitants.

Correspondant en fait généralement au territoire des anciens can- tons, cinq communautés de communes sont concernées. Deux dans les Côtes d’Armor : celle du Mené (6 453 habitants) et celle de Hardouinais-Mené (7 841 habitants). Trois dans le Morbihan : Baud communauté (14 694 habitants) ; Saint-Jean communauté (14 371 habitants) et Locminé communauté (12 636 habitants). Représentants de l’État dans les départements, les préfets ont pré- senté des projets de schéma départemental de coopération inter- communal, en octobre dernier. À chaque fois, ils ont privilégié les fusions par blocs plutôt que la vente par appartements. Une posi- tion partagée par les élus locaux, au Nord et au Sud.

Au Nord, la Cidéral qui était déjà passée de 21 à 33 communes en 2014, va une nouvelle devoir gérer une crise de croissance avec l’arrivée des communautés de communes du Mené et de Hardoui- nais-Mené auxquelles il faudra encore ajouter Mûr-de-Bretagne et Saint-Connec et peut-être également quelques communes du Kreiz-Breizh.

Décisions au printemps

Au Sud, si un mariage à quatre a pu être évoqué un moment, c’est finalement une union à trois entre les communautés de communes de Baud, de Locminé et de Saint-Jean-Brévelay qui a été actée.
Les propositions du préfet ont en revanche beaucoup plus de mal à passer auprès des élus de Pontivy Communauté. En 2014, la communauté de communes morbihannaise était passée à 26, avec l’arrivée de deux communes costarmoricaines : Mûr-de-Bretagne et Saint-Connec. Si les projets des préfets devaient être avalisés, ces deux communes la quitteraient pour rejoindre la Cideral. Par sou- hait pour la première, mais par contrainte pour la seconde ! Les vives protestations des élus de Pontivy Communauté seront-elles entendues par des préfets qui rendront leurs décisions définitives au printemps prochain ?

Communautés de communes : 7 aujourd’hui, 3 en 2017

 

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Communes nouvelles : la carotte financière aiguise les appétits

La France compte 40 % des communes de l’Union européenne. 90 % d’entre elles accueillent moins de 2 500 habitants. Face a cet émiette- ment, le Parlement propose une carotte financière particulèrement appétissante pour inciter au regroupement en communes nouvelles.

Avec plus de 36 000 communes, la France comptabilise à elle seule 40 % du nombre total de communes dans les 28 pays de l’Union européenne. Particulièrement nombreuses, les communes fran- çaises présentent la particularité d’être peu peuplées : près de 75 % d’entre-elles comptent moins de 1 000 habitants.

Dès 1971, pour tenter de réduire cet émiettement, la « loi Marcel- lin » avait institué le statut de commune associée. Quatre décennies plus tard, le bilan apparaissait pourtant décevant. En 2009, on ne comptait en effet qu’un peu plus de 700 communes associées… Pour tenter de relancer le processus, la loi de ré- forme des collectivités territoriales de 2010, a institué le statut rénové de « commune nouvelle ». Là encore, le bilan a été bien maigre : seulement une vingtaine de com- munes nouvelles en quatre ans !

Date butoir : 31 mars 2016

Tirant les enseignements des échecs successifs, une loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle a été promulguée en mars 2015. Sa particularité par rapport aux précédentes : une incitation financière. Le législateur a en effet prévu que les communes nouvelles créées avant le 30 juin 2016 (1), bénéficieront du dispositif d’exonération de la baisse de la dotation forfaitaire. Cette dernière sera maintenue pour trois ans et correspondra à la somme des dotations perçues par chacune des anciennes communes l’année précédant la création de la commune nouvelle. Dans un contexte de baisse des dotations de l’État aux collectivités locales et territoriales, la carotte financière a de quoi susciter les appétits. Selon l’Association des Maires de France (AMF), « 54 communes nouvelles, regroupant 242 communes, devraient être créées au 1er janvier 2016. 437 projets ont encore besoin de temps pour approuver un regroupement ».

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Dans le Centre Bretagne, cette loi n’a pas laissé les élus insensibles. Depuis le 1er janvier, trois communes nouvelles ont en effet vu le jour : Le Mené, regroupe les sept communes qui composaient l’ancien canton de Collinée; Les Moulins, née de la fusion entre Plémet et La Ferrière ; Evellys, qui rassemble désormais trois communes de l’ancien canton de Baud.

Pour être des précurseurs, ces trois communes nouvelles ne devraient pas rester bien longtemps isolées. Dans les Côtes d’Armor comme dans le Morbihan, des discus- sions ont été engagées et pourraient se concrétiser dans le courant du premier trimestre par de nouvelles fusions. Reste à savoir si l’argent sera suffisant pour sceller une union durable ?

(1) Les délibérations des communes devront toutefois être prises avant le 31 mars et la bonification sera réservée aux communes nouvelles de moins de 15 000 habitants.

 

Communes : l’heure des fusions

 

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Le Mené, Commune Nouvelle : un mariage à sept

Avec une superficie de 163 km2, c’est désormais la plus grande commune de Bretagne ! Le 1er janvier 2016, une commune nouvelle baptisée Le Mené est en effet née de la fusion de sept communes : Collinée, Langourla, Le Gouray, Plessala, Saint-Gilles-du-Mené, Saint- Gouëno et Saint-Jacut-du-Mené.

Le 23 mars 2015, c’est à une quasi unanimité (90 votes pour, 13 abstentions et un bulletin nul), que les élus des sept communes de l’ancien canton de Collinée, ont voté pour la création d’une commune nouvelle baptisée : Le Mené. Les avantages financiers de la loi n’ont sans doute pas été étrangers à ce des collectivités locales et de l’intercommunalité ». Dans un an, c’est donc une commune nouvelle de près de 6 500 habitants qui rejoin- dra la Cidéral.

nouvelle-commune-le-mene-bretagneConcrètement, la commune nouvelle siégera à Collinée, dans les choix. Mais pour ces élus, habitués à travailler ensemble depuis la création de la communauté de communes, il y a quinze ans, cette fusion vise également à « préparer l’avenir et anticiper les changements de demain ». Pour eux, il était en effet essentiel de « fédérer, les communes actuelles dans un territoire viable et cohérent avec un champ d’action plus vaste donc plus efficace que celui des communes prises individuellement, tout en préservant l’identité et les spécificités de nos villages ».

Période transitoire

Pour anticiper la disparition des communautés de communes de moins de 15 000 habitants, programmée au 1er janvier 2017, il leur semblait également important de « renforcer la représentation du territoire et de ses habitants en pesant plus fort auprès de l’État, locaux de l’actuelle communauté de communes, qui va disparaître. Ce regroupement des sept communes fondatrices (désormais appelées communes déléguées), va nécessiter un nouveau fonc- tionnement et une organisation qui sera caractérisée par une période transitoire, jusqu’aux élections municipales de 2020.

En attendant cette échéance, le conseil municipal de la commune nouvelle sera composé de la totalité des conseillers municipaux des communes fondatrices, soit 105 élus. Il tombera à 33, après les élections municipales de 2020. Durant cette période les maires actuels seront de droit maires délégués et exerceront les fonctions d’adjoint au sein du conseil muni- cipal de la commune nouvelle. Les adjoints actuels des sept communes seront conseillers délégués. Le maire sera l’exécutif de la commune, il sera élu par le conseil municipal de la commune nouvelle, dont il sera chargé de mettre en œuvre les décisions.

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