Dans quelques mois, nous célébrerons le 160e anniversaire du « tour de Bretagne » que réalisa Napoléon III alors empereur des Français. Retour sur ce périple effectué par l’empereur en 1858.
En 1857 avaient eu lieu les élections renouvelant les députés du corps législatif, équivalent de notre Assemblée nationale pour le Second Empire. Les électeurs s’étaient alors montrés très largement favorables aux « candidats officiels », c’est-à-dire aux députés servant la politique de l’empereur et ayant reçu, en échange, son soutien. Les Français montraient ainsi leur attachement à ce régime qu’ils avaient consenti à instituer en 1852. Le Prince-Président Louis Napoléon Bonaparte était alors devenu Napoléon III.
Pourtant, le jeudi 14 janvier 1858, alors que Napoléon III et son épouse, l’impératrice Eugénie de Montijo, quittent l’opéra, ils sont victimes d’un attentat à la bombe commis par un patriote italien du nom de Felice Orsini. Bien que le coupable soit rapidement arrêté et condamné à mort, sa tentative ébranle fortement l’empereur, qui a été légèrement blessé, et le haut personnel impérial qui l’entoure. L’épisode est le prélude à un accord avec l’homme politique italien Cavour et à une expédition militaire française en Italie. L’interventionnisme de Napoléon III est vu d’un très mauvais œil par les grandes puissances (Russie, Autriche, Prusse et Angleterre) qui ont redessiné la carte de l’Europe après la chute de Napoléon Ier en 1815.
Accueil impérial à Pontivy
Cherchant dans un premier temps l’appui de l’Angleterre, l’empereur lance une manœuvre de séduction diplomatique et rencontre la reine Victoria et le prince Albert, venus à Cherbourg pour fêter l’achèvement du port. Mais c’est en vain. De Cherbourg, Napoléon III prend ensuite la route de la Bretagne, pour se rendre en pèlerinage au sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray.
Il faut dire que Napoléon III ne connaît pas la Bretagne. Il n’y dispose pas de palais, comme à Compiègne, à Rueil-Malmaison ou à Fontainebleau ; on n’y trouve pas de ces stations balnéaires que le couple impérial fréquente assidûment, telle que Plombières ou Vichy. Pourtant, les Bretons, majoritairement paysans et catholiques, constituent une population qui lui est fidèle. Depuis Cherbourg, Napoléon III et Eugénie embarquent sur le Bretagne et arrivent à Brest le 10 août 1858. Ils font ensuite étape à Landerneau, Châteaulin et Quimper. Le 13 août, l’empereur arrive à Lorient. Il en profite pour visiter l’arsenal le 14, avant de se rendre à Sainte-Anne d’Auray pour célébrer l’Assomption.
D’Auray, le cortège impérial se rend ensuite vers Pontivy, qui s’appelle encore, à l’époque, Napoléonville. Napoléon III en profite pour faire halte à Colpo où il rend visite à sa cousine germaine, la princesse Élisa Bacciochi (nièce de Napoléon Ier, elle décède à Colpo en 1869 et est inhumée dans l’église du lieu). De là, l’empereur passe ensuite par Saint-Jean-Brévelay, où des colonnes portant des inscriptions le célèbrent comme le « Sauveur de la France »,
puis à Locminé où Sa Majesté Impériale donne mille francs au maire afin de les répartir entre l’asile, le bureau de bienfaisance et les médaillés indigents.
Le couple impérial fait ensuite arrêt à Napoléonville, étape phare par le symbole que représente la ville nouvelle dont la construction a été ordonnée par Napoléon Ier, où il passe sous un arc de triomphe surmonté d’un aigle aux ailes déployées, de faisceaux de drapeaux et d’inscriptions à la louange de l’empereur spécialement érigé pour l’occasion. Le corps municipal le reçoit ensuite à la sous-préfecture, après avoir fait un tour de la place d’armes sous les vivats de la foule. Au cours de la réception, les Pontivyens en profitent pour demander à l’empereur des subsides pour construire une nouvelle église paroissiale qui doit remplacer l’église Notre-Dame-de-Joie, située dans la ville médiévale et devenue trop exiguë. Napoléon III accorde quatre cent mille francs, pris sur sa cassette personnelle, pour financer la construction et fait passer des décrets dès la fin août afin que les travaux soient lancés au plus vite. Après les festivités, qui sont clôturées par un feu d’artifice, le couple impérial reprend la route en direction de Loudéac, accompagné par une escorte de cavaliers bretons lui faisant honneur.
Communication politique
À Saint-Gonnery, un somptueux dais de mousseline et de verdure marque la limite entre les deux départements. Après avoir été brièvement reçu sous la pluie par les notables loudéaciens, le 17 août, l’empereur arrive à Saint-Brieuc ; le 18, il visite Saint-Malo. Le 19, il est à Rennes, où il prononce un discours devant la foule, ensuite publié et diffusé en français et en breton. Le couple impérial regagne Paris en prenant le train, moyen de transport alors ultra-moderne, qui vient juste d’être installé à Rennes.
Ce voyage peut-être vu comme une initiative de communication politique réussie. C’est, en effet, avant tout un voyage de propagande, qui sert à s’assurer les fidélités des populations catholiques alors que l’empereur s’apprête à se lancer dans l’unification italienne, au détriment des États du Pape.
À retenir
CAVOUR
Camillo Benso, comte de Cavour est un homme d’État italien, favorable aux idées libérales et à l’unité du territoire italien. Il négocie avec Napoléon III pour mener une expédition visant à repousser les Autrichiens du nord de l’Italie (entrevue de Plombières, 1858). Malgré plusieurs victoires (Magenta, Solférino, 1859), ce n’est qu’en 1861 que le royaume d’Italie est créé.
VICTORIA Ière
Reine d’Angleterre et d’Irlande de 1837 à 1901, Victoria Ière eut l’un des règnes les plus longs de l’histoire d’Angleterre. Elle fut également impératrice des Indes à partir de 1876. L’ère victorienne est synonyme de puissance politique et économique.
Pour aller plus loin…
Éric ANSEAU, Napoléon III, Paris, Tallandier, 2012.
Octave AUBRY, Le Second Empire, Paris, Le Meilleur Livre, 1956 (première édition : 1938).
André ENCREVÉ, Le Second Empire, Paris, Que Sais-Je ?, 2004.
Charles FLOQUET, Pontivy – Napoléonville : une cité impériale, Pontivy, Mission du Bicentenaire de Napoléonville, 2003.
J.M. POULAIN-CORBION, Récit du voyage de leurs Majestés l’Empereur et l’Impératrice en Normandie et en Bretagne. Août 1858, Paris, Amyot, 1858.
Victorien Leman, Historien généalogiste
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Membre de la chambre des généalogistes professionnels.