C’est un joli nom, campagnol. Ça respire l’air pur, la verdure, les jolis champs, les petits chemins, les haies, les clairières, les bosquets, les petits ruisseaux… la belle campagne, quoi. Mais le joli nom désigne aussi ce joli petit animal que d’autres prénomment « rat taupier ». Et là, on change de registre. C’est plus la même semoule.
Selon Wikipédia, pas facile d’identifier clairement le campagnol. « C’est un terme très général… un nom vernaculaire ambigu donné à un grand nombre de rongeurs de la sous famille des Arvicolinae… Il est souvent confondu avec le mulot ou la musaraigne qui n’est même pas un rongeur. » Pour résumer, « les campagnols étaient autrefois englobés dans les termes « rat des champs ». Le même qui, selon Jean de la Fontaine, préférait sa tambouille campagnarde à celle de son cousin de la ville, même servie avec des couverts en argent. Le campagnol donc, si multiple soit-il, est plutôt mignon. Celui dit « des champs », le microtus arvalis, dépasse rarement les 10 cm. Il adore les bulbes, les racines, les céréales et les graines. Sans oublier de faire, chaque fois qu’il le peut, tel un petit Attila, leur fête aux jeunes pousses. Il aime ainsi à prendre ses aises, en colonie, dans les champs d’herbe rase. Quand il pleut ou simplement quand l’envie lui prend, il s’offre volontiers un séjour dans une sorte de ferme auberge. Quelques jours bien à l’abri dans une grange. De préférence dans celle de son environnement la mieux notée dans « Campagnadvisor ». Celle où la graine qu’il casse est goûtue et abondante. Son collègue « terrestre », l’arvicola terrestris, est presque deux fois plus balèze. Pouvant atteindre 22 cm, c’est à lui que l’on attribue le joli nom de « rat taupier ». Simplement du fait qu’il se plaît dans les galeries de la foreuse ayant donné son nom à un joli gris. Galeries qu’il n’hésite pas à rallonger et à garnir de nouvelles « taupinières » campagnolesques.
Plein de petits goinfres
Lui, c’est les vergers et les prairies qu’il colonise. Il y trouve sans trop d’efforts toute la nourriture que son estomac insatiable réclame. D’aucuns affirment que c’est après l’avoir invité au restau que son cousin des villes y est allé de son commentaire resté dans les annales : « Il vaut mieux l’avoir en photo qu’en pension ». Et le diagnostic vaut pour nos deux espèces de campagnols. L’un et l’autre engloutissent en effet jusqu’à deux fois leur poids en végétaux chaque jour. Une sacrée perf que même nos champions de sumo ont du mal à calculer. Même en rêve. Quand on ajoute à sa goinfrerie sa capacité hors norme à se reproduire, on voit immédiatement de quel oeil le fusille le potageur ou le paysan du coin. Celui des champs atteint sa maturité sexuelle à un mois et la femelle peut avoir jusqu’à cinq portées, de trois à dix petits, par an. Le « terrestre » fait encore un peu mieux : cinq à six portées de deux à huit petits. Résumé en quelques chiffres, le constat est brutal : en un an, un seul couple de nos mignons campagnols donne naissance à plus d’une grosse centaines de rejetons ! Tous dotés du même appétit d’ogre. Conclusion imparable du cultivateur : un campagnol, ça va, une colonie, bonjour les dégâts ! Au verger, ils boulottent les collets des jeunes arbres, au potager et dans les champs ils grignotent pommes de terre, poireaux légumineuses et céréales. Petits mais nombreux, les goinfres en herbe peuvent réduire le rendement fourager des prairies de 80 %. Et les dégâts n’épargnent pas vergers, vignes, cultures céréalières, forêts et cultures maraîchères. Moralité : seul ou en colo, le campagnol, c’est toujours mieux en photo. D’autant mieux qu’il est mignon tout plein.